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Que devient la Séléka, dix ans après son coup de force ?

Jean-Fernand Koena
24 mars 2023

En Centrafrique, la Séléka, jadis dirigée par Michel Djotodia, n'est plus au pouvoir, mais a toujours son mot à dire dans la gouvernance du pays.

Un combattant de la Séléka
La Séléka prend le pouvoir à Bangui le 24 mars 2013Image : Jerome Delay/AP Photo/picture alliance

Depuis le 24 mars 2013, date du coup de force de la Séléka, la Centrafrique ne cesse de courir derrière la paix. Celle-ci semble toujours inatteignable en raison du nombre élevé de factions rebelles crées en réaction à la Séléka, ou encore nées de l’éclatement même de cette coalition. 

Les promesses non tenues

Pourtant Michel Djotodia , qui a créé la Séléka, était optimiste et faisait le vœu de la paix.

"Je suis venu aider le peuple centrafricain pour que peuple vive enfin en paix chez lui. C’en est trop. Et nous ne permettrons plus à personne de venir prendre les armes pour venir encore faire courir ces mamans, les enfants, les vieux en train de courir comme des fous à travers la République centrafricaine. Nous ne le permettrons pas. Même pas les rebelles qui sont dans la brousse" avait déclaré l'ancien chef rebelle et président putschiste en 2020 quand il était rentré dans son pays après six ans d'exil au Bénin.

Mais le constat est triste dix ans après le coup de force de la Séléka : les inégalités sociales sont importantes, le développement du Nord qui avait motivé la prise du pouvoir par la Séléka n’a pas connu un début de commencement. 

Cette situation oblige la communauté musulmane à interpeler le gouvernement. 

"Dans notre contexte actuel de crise récurrente, notre communauté se sent de plus en plus défavorisée, discriminée, marginalisée, exclue, très souvent maltraitée et même rejetée", estime Ali Ousmane, le porte-parole de la communauté musulmane

Il poursuit en disant : "Donc le but de notre coalition est d’amener nos autorités à être sensibles aux problèmes de la communauté musulmane afin de prendre en compte leurs préoccupations majeures, en vue de trouver une solution adéquate pour la consolidation de la paix de l’unité nationale, de la cohésion sociale, du vivre ensemble et de la réconciliation nationale".

Ecoutez les précisions de Jean Fernand Koena

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Un héritage sous le feu des critiques

Dans les rues de Bangui, les Centrafricains ont des avis très critiques sur l’héritage de la Séléka.

"Le dimanche 24 mars 2013, les Séléka ont fait leur entrée dans la ville de Bangui, ils ont semé la terreur, la désolation, les tueries", se souvient cet habitant de Bangui

"Aujourd’hui la Séléka est le plus grand cauchemar parce qu’à la base on pensait que ce sont des gars qui étaient venus aider la population, mais on a très vite compris que ceux qui les ont amenés sont partis pactiser avec le diable pour venir tuer le peuple centrafricain", constate un autre.

Mais si le bilan de la Séléka est négatif en raison de la crise communautaire qu’elle a engendrée, il est difficile, au plan politique, de l’ignorer en Centrafrique. 

De Catherine Samba Panza à Faustin-Archange Touadéra, la Séléka a toujours son mot à dire dans le choix des dirigeants. 

Karl Blagué est coordonnateur du G16, le Groupe d'action des organisations de la société civile pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016, et il appelle à la fin de l’accord de paix qui offre ce privilège aux groupes armés, et notamment à la Séléka.

"Avec la caution de l’accord politique de réconciliation et de paix de Khartoum, le président Touadéra l’a officialisé dans son entourage, dans l’administration, dans l’armée et même dans le gouvernement. Les natifs du Nord ont pris pour prétexte la situation de leur région. Mais quand ils étaient au pouvoir, ils n’ont rien fait dans leur région. Il faut mettre fin à l'accord de paix de Khartoum car c’est ça qui fait que la crise politico-militaire persiste" explique-t-il.

Dix ans après, les principaux leaders de la Séléka échappent encore à la justice, privant de consolation les milliers des victimes et continuant à déstabiliser le pays.