En 2025, l'Afrique a gagné en visibilité diplomatique
30 décembre 2025
Le 20 janvier 2025 aura marqué un tournant dans les équilibres internationaux. C'est le jour de l'investiture de Donald Trump revenu au pouvoir pour la seconde fois.
Qu'il s'agisse de tarifs douaniers punitifs, de la liquidation de l'agence américaine de développement USAID, du retrait des États-Unis de traités internationaux comme l'Accord de Paris sur le climat ou de structures comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), d'une politique de visas toujours plus stricte : les décisions de Washington ont un retentissement mondial et chamboulent les rapports de force établis depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
L'Afrique resiste aux agitations de Donald Trump
Mais malgré tous les ondes de choc permanentes des politiques de Donald Trump, l'impact sur la vie quotidienne dans les pays africains est pour le moment limité, explique Ovigwe Eguegu, analyste au cabinet de conseil indépendant Development Reimagined. Pour lui, "le continent est toujours sur la bonne voie. L'Afrique ne dispose pas d'un grand marché d'exportation pour les produits transformés vers les États-Unis".
En revanche le pétrole, le gaz, les matières premières critiques et les métaux continuent à être exportés, échappant dans la plupart des cas aux droits de douane.
Même les conséquences de l'expiration de l'Agoa fin septembre restent limitées. L'Agoa est un accord commercial entre les États-Unis et plusieurs pays africains qui promettait "croissance et opportunités".
Seuls quelques pays pour lesquels les États-Unis étaient un marché d'exportations important en paient les pots cassés. C'est le cas du Lesotho et sa production de jeans, qui paiera désormais 50 % de droits de douane, ou de l'exportateur automobile sud-africain, frappé par 30 % de droits de douane par les Etats-Unis.
Le sommet du G20 en Afrique du Sud
Les relations entre l'Afrique du Sud et le président américain sont particulièrement tendues, alors que Donald Trump dénonce sans preuves un prétendu massacre des Sud-Africains blancs. Les Etats-Unis ont même boycotté le sommet du G20 à Johannesburg, le premier à se tenir sur le continent africain, en novembre.
Le milliardaire a également déclaré qu'il ne voulait pas inviter l'Afrique du Sud au prochain sommet du G20 à Miami l'année prochaine.
Pour Noncedo Vutula, chercheuse à la Nelson Mandela School of Public Governance, le sommet de Johannesburg a tout de même été un succès. "Les discussions étaient riches et prenaient en compte tous les différents points de vue débattus en amont", explique Noncedo Vutula à la DW. L'Afrique du Sud est également parvenue à clôturer le sommet par l'adoption une déclaration commune contre la volonté de Washington, qui avait tenté d'empêcher une déclaration sans les États-Unis.
Dans ce texte, les principales nations industrialisées, l'Union européenne (UE) et l'Union africaine (UA) ont invoqué la philosophie humaniste africaine Ubuntu qui rappelle que l'existence de chacun est liée à celle des autres.
Les signataires ont ainsi prôné le multilatéralisme et les partenariats pour le développement : "Dans l'esprit de l'Ubuntu, nous reconnaissons que les nations individuelles ne peuvent prospérer isolées." Le sommet s'est également engagé à renforcer davantage la "voix de l'Afrique au sein du G20 et dans tous les autres forums internationaux".
Le développement nécessite la création de valeur ajoutée en Afrique
La puissance symbolique de cette formulation ne doit pas être sous-estimée. Elle reflète également les paroles du président angolais João Lourenço, qui, quelques jours plus tard, en tant qu'hôte du sommet Union africaine-Union européenne, a rappelé que "le monde n'est pas qu'un ou deux pays. Nous travaillons avec toute personne qui est ouverte à nous".
Lors de la réunion de Luanda, les pays partenaires européens ont réaffirmé leur soutien aux grands projets d'infrastructure en Afrique, à l'image du corridor de Lobito dans le cadre de l'Initiative Global Gateway, qui doit relier les régions minières en Zambie et en RDC à la côte atlantique en Angola.
Pour les experts, il reste toutefois crucial que les pays africains créent davantage de valeur ajoutée."Ils en sont conscients, insiste Ovigwe Eguegu, mais ce ne sont que des déclarations de bonne intention". Une dynamique est nécessaire dans laquelle la coopération est conçue à l'avantage des deux parties, Europe et Afrique.
Parallèlement, les pays africains étendent leurs relations avec la Russie et des acteurs plus petits comme la Turquie ou les Émirats arabes unis. La Chine, qui a conclu un autre accord d'un milliard d'euros avec la Zambie pour étendre le réseau ferroviaire dans l'est de l'Afrique reste est également un acteur majeur sur le continent. Mais à long terme, selon Ovigwe Eguegu, l'Europe reste un partenaire de choix pour les pays africains, précisément en raison des interdépendances séculaires qui se reflètent dans la démographie : même si les relations ont été problématiques, il existe des liens qui ne s'effacent pas.
Les guerres et les régimes militaires ralentissent le développement
Un facteur décisif qui continue d'affaiblir le rôle de l'Afrique dans le monde sont les crises et les conflits. La guerre civile au Soudan dure depuis plus de deux ans et demi et le conflit dans l'est de la RDC se poursuit malgré la médiation internationale, y compris celle des États-Unis. De plus, huit pays africains sont actuellement dirigés par des régimes militaires, souvent sans perspective claire d'un retour à la démocratie. En 2025, Madagascar et la Guinée-Bissau sont passés sous le contrôle de l'armée.
Une Afrique pacifique pourrait aider le continent à se développer économiquement, constate la chercheuse Noncedo Vutula.
L'Afrique reste dépendante de l'influence des puissances étrangères, estime l'analyste Ovigwe Eguegu : "C'est la réalité politique des États faibles. Parce que le continent est rempli d'États faibles, et que les États faibles n'ont ni la capacité ni l'expérience politique. Leur situation nationale les rend vulnérables aux influences extérieures".
Le développement économique de nombreux pays africains est également freiné par le poids encore considérable de la dette.
Le G20 a reconnu le problème que pose cette situation, particulièrement pour les pays à faible revenus qui se trouvent notamment en Afrique: "Nous notons avec inquiétude que les paiements d'intérêts sur la dette publique extérieure totale ont augmenté de manière significative et ont plus que doublé au cours de la dernière décennie pour les pays à faible revenu", dit la déclaration finale du sommet de Johannesburg.
Travailler avec le Sud global sur des thèmes communs
Noncedo Vutula fonde un grand espoir dans la ZLECAf, la Zone de libre-échange continentale africaine. La plupart des Etats ont déjà ratifié l'accord, souligne-t-elle. Même s'il reste encore des défis à surmonter "cela donne à l'Afrique l'espoir que nous pouvons commercer entre nous. Nous pouvons construire des chaînes de valeur régionales en Afrique et garantir le développement des économies africaines."
Pour progresser, la chercheuse du Nelson Mandela School of Public Governance estime également important que l'Afrique s'allie à des pays partageant les mêmes problématiques, et en particulier avec les pays du "Sud global".
La question climatique et le financement de la transition écologique est un exemple de chantier commun. "L'Afrique doit travailler en étroite collaboration avec les pays en développement pour faire avancer ces aspects", dit Noncedo Vutula.