60 ans après, la RDC peine à transformer ses ressources
Patrick Kasonde
30 juin 2020
La RDC est l'un des pays africains les plus riches en ressources naturelles, mais 60 ans après son indépendance, elle fait partie des pays les plus pauvres.
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Avec les nouveaux textes régissant le secteur minier, la RDC enregistre des améliorations dans la gestion des ressources naturelles. C'est du moins l'avis de Freddy Kitoko, avocat et président du comité de pilotage de la plateforme dénommée "Investissement durable au Katanga", IDAK.
"Après l'indépendance, les mines ont continué à être gérées par les Belges. Après, il y a eu la 'zaïrianisation' avec Mobutu qui a nationalisé la plus grande entreprise minière, la Gécamines, il y avait aussi la Miba, dans le Kasaï. Pendant la période du Zaïre, les mines ont plus profité au pouvoir qu'à la population, elle-même. Mais quand on a eu le premier code minier en 2002, il voulait plus attirer les investisseurs que s'appuyer sur le bien des communautés. Une petite évolution quand même, parce qu'aujourd'hui, avec la réforme de 2018, les communautés peuvent avoir des moyens pour développer les milieux dans lesquels les mines sont exploitées", explique-t-il.
Grâce à la libéralisation du secteur, l'activité minière a enregistré un bond spectaculaire en RDC. Ainsi la production du cuivre atteint des millions de tonnes par an tandis que celle du cobalt s'est variée. Les mines demeurent le point fort de l'économie congolaise pendant que l'agriculture est en recul.
Pourtant, le déficit énergétique empêche le pays d'atteindre un bon niveau de transformation de minerais.
Actuellement, les exploitants disposent d'un moratoire allant jusqu'en mars 2021 au-delà duquel il leur est interdit d'exporter du concentré de cuivre et de cobalt. Mais rien n'indique que d'ici là, la capacité énergétique permettant le traitement et la transformation de minerais serait suffisante.
Malgré tout, Eric Monga, président de la Fédération des entreprises du Congo, FEC, au grand Katanga, et vice-président national chargé de l'énergie et hydrocarbures, salue la tendance prise par les autorités.
"Le cuivre est raffiné à peu près à 100% au pays et l'installation maintenant des unités des plus grandes transformations pour des plus grandes valeurs ajoutées sont en cours, c'est un processus", admet-il.
Pour rappel, en marge de la 5ème édition du Forum Investir en Afrique qui a lieu le 10 septembre 2019 à Brazzaville, le chef de l'Etat Félix Tshisekedi a affirmé que son gouvernement travaillait sur les voies et moyens pouvant permettre à la RDC, de transformer localement ses minerais.
Nouveau code minier en RDC: fin de l'âge d'or pour les multinationales
Le président Kabila a promulgué un nouveau code minier malgré le lobbying des sociétés minières contre la hausse des taxes et la fin d'une clause de stabilité des contrats. Voici ce qui va changer pour les opérateurs.
Image : Reuters/P. Jones
Le cobalt "substance stratégique"
Le taux de la redevance sur le cobalt, dont la RDC a fourni les deux tiers de la demande mondiale en 2017, devrait passer de 2 à 10%. Un décret du Premier ministre va vraisemblablement classer ce minerai rare, indispensable aux batteries nouvelle génération des voitures électriques, parmi les "substances stratégiques". Le cuivre est également concerné par cette hausse.
Le nouveau code prévoit aussi une rénégociation régulière des contrats et une participation d’au moins 10% des personnes physiques de nationalité congolaise dans le capital social des sociétés minières. L'ancien code de 2002, adopté en pleine guerre, visait à attirer et rassurer les investisseurs étrangers en leur accordant des droits et des facilités dans le régime fiscal.
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Des recettes substantielles pour l'État
Selon le communiqué de la présidence congolaise, le nouveau code minier doit "rapporter à l'Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social". La moitié des recettes d’exportation sont destinées au pouvoir central, 20 % au pouvoir provincial, 15% aux entités territoriales décentralisées et 15% aux générations futures.
Image : picture-alliance/dpa/J. Bätz
Un boom qui doit profiter aux populations
Plusieurs ONG de la société civile ont fait pression sur le président Kabila pour qu'il ne cède pas face aux opérateurs miniers. Elles espèrent que le pays bénéficiera du boom minier qui se dessine. "Pour une fois, la population va pouvoir profiter des retombées de l'embellie", affirme ainsi Jérôme Sekana, président de l'ONG "Toile d'araignée" qui regroupe plusieurs journalistes économiques.
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Les prédateurs encore à l'œuvre
D'autres groupements citoyens, au contraire, pensent que les Congolais ne verront pas la couleur des recettes minières. "Les multinationales et le régime #Kabila se disputent chacun leurs intérêts, pas ceux du peuple congolais. Deux camps prédateurs se disputent le butin du #Congo!", a dénoncé par exemple le mouvement Lucha sur son compte Twitter.
Image : picture alliance/AP Photo/S. van Zuydam
La porte ouverte à la corruption
En juillet 2017, Global Witness qualifiait le secteur minier congolais de "distributeur automatique de billets" pour le régime de Joseph Kabila. Aujourd'hui, l'ONG britannique prévient qu'une "application au cas par cas de la nouvelle loi risque d'ouvrir la porte à des accords corrompus de la part de sociétés sans scrupule qui cherchent un traitement préférentiel".
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Revirement des sociétés minières
Après avoir tenté d'empêcher l'adoption du code, les sociétés minières (dont Rangold, Glencore et China Molybdenum) ont d'ailleurs changé de tactique. Elles ont fait des "propositions" au ministre des Mines et "attendent un rendez-vous" avec Martin Kwabelulu. Elles se retirent en outre de la Fédération des entreprises congolaises (FEC), qui "ne représente pas correctement leurs intérêts".
Image : Reuters/P. Jones
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