Il y a 80 ans, les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki
6 août 2025
6 août 1945. C'est à 8h15, heure locale, qu'un avion de combat américain larguait "Little Boy", le nom de la bombe atomique d'un peu plus de quatre mètres de long, sur la ville d'Hiroshima. C'est à cette même heure précise, que la cérémonie commémorative a débuté ce matin, comme chaque année, dans le Hiroshima Peace Memorial Park, et s'est terminé dans la soirée par des lanternes déposées dans le fleuve Motoyasu.
Dans trois jours, un autre recueillement aura lieu à Nagasaki, cible de la seconde bombe atomique américaine lâchée sur le Japon.
Selon un rapport du gouvernement japonais, un peu plus de 99 000 Hibakusha sont encore en vie. Ce sont les survivants de ces cataclysmes. Ils ont aujourd'hui une moyenne d'âge de 86 ans. Quelque 7 700 Hibakusha sont décédés depuis l'an dernier, et avec eux, ce sont des témoins des scènes apocalyptiques d'Hiroshima et de Nagasaki qui disparaissent.
Et ce sont ainsi des musées, des organisations et la société civile qui se mobilisent pour préserver leurs récits.
Guide à 12 ans
Shun Sasaki n'a que 12 ans, mais il fait déjà partie des Japonais qui veulent transmettre cette mémoire. Depuis quatre ans, il discute avec des touristes étrangers sur les nombreux sites qui composent le Peace Memorial Park d'Hiroshima.
"Quand j'étais en première année à l'école, je passais devant le dôme de la bombe atomique et je me demandais pourquoi il était toujours là parce qu'il était en mauvais état”, raconte-t-il à la DW, faisant référence à l'une des seules structures encore debout après l'explosion de la bombe en 1945. "J'ai fait quelques recherches sur Internet et je suis allé au Musée du Mémorial de la Paix et j'ai appris l'existence de la bombe qui a été larguée ici", se souvient le jeune garçon.
Les conséquences à long terme sur la santé
L'intérêt de Shun Sasaki pour l'histoire tragique de sa ville natale est aussi marqué par la mort de son arrière-grand-mère.
"Elle avait 12 ans lorsque la bombe a été larguée, explique Shun Sasaki. Elle n'a pas été brûlée parce qu'elle était à l'intérieur de sa maison, mais elle a été exposée aux radiations et lorsqu'elle a été évacuée, la pluie noire s'est abattue sur elle".
La "pluie noire" était un mélange de poussière, de suie provenant des incendies déclenchés par l'explosion et de retombées radioactives qui s'est déposée sur la ville pendant plusieurs heures après l'explosion.
L'arrière grand-mère de Shun Sasaki souffrira d'un cancer du sein à l'âge de 38 ans et un cancer du côlon à l'âge de 60 ans. Elle mourra à l'âge de 69 ans.
Une fournaise à 7 000 degrés
La première chose que beaucoup d'habitants de Hiroshima ont remarqué le matin du 6 août 1945 a été une "intense boule de feu", selon les termes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
"Little Boy" a explosé à environ 600 mètres au-dessus de la ville. On estime à 7 000 degrés Celsius la température atteinte à l'épicentre de la bombe à Hiroshima.
Si près de 80 000 personnes sont mortes lors de l'explosion initiale, dans les mois qui vont suivre, 60 000 personnes supplémentaires vont décéder à la suite de brûlures graves ou de maladies liées aux radiations.
"Beaucoup de gens me disent qu'ils sont venus à Hiroshima en pensant qu'ils connaissaient l'histoire et que la ville n'avait été que gravement endommagée", explique Shun Sasaki.
Les risques d'une nouvelle attaque nucléaire
"Je guidais un Américain qui a été convaincu qu'il fallait désormais interdire toutes les armes nucléaires, se souvient le garçon. Nous ne pouvons pas changer les faits sur ce qui s'est passé ici, mais nous pouvons utiliser la vérité sur la bombe pour changer l'avenir".
Les mêmes efforts de transmission mémorielle sont déployés à Nagasaki, où la bombe "Fat Man" s'est abattue le 9 août 1945, tuant quelque 80 000 personnes – à cause de la détonation originale ainsi que des maladies à long terme.
"Nous approchons d'une époque où les Hibakusha ne seront plus parmi nous, observe Takuji Inoue, directeur du musée de la bombe atomique de Nagasaki. Mais en tant que ville bombardée, nous sommes profondément préoccupés par le risque croissant d'utilisation d'armes nucléaires, alimenté par les troubles causés par les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient et d'autres événements inquiétants".
Prix Nobel de la paix pour les Hibakusha
Le musée a lancé une nouvelle campagne internationale pour "transmettre la réalité" et faire comprendre l'impact des armes nucléaires "à travers les générations”.
"Hiroshima restera à jamais gravé dans l'Histoire comme étant la première ville frappée par la bombe atomique, rappelle Takuji Inoue. Maintenant, la question de savoir si Nagasaki restera la dernière dépend de l'avenir que nous créons".
L'an dernier, le prix Nobel de la Paix avait été décerné à Nihon Hidankyo, une organisation japonaise regroupant les Hibakusha, pour récompenser leur rôle crucial dans le témoignage des horreurs de la guerre nucléaire.
La prix Nobel de la paix iranienne de 2023, Narges Mohammadi, a quant à elle dénoncé aujourd'hui la "tentation" de plus en plus forte pour les pays de se doter de l'arme nucléaire.
Un article de Julian Ryall