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Le cauchemar des Afghan*e*s depuis le retour des talibans

Sandrine Blanchard | Avec agences
14 août 2023

Les talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan depuis deux ans. Les femmes et les filles sont les premières victimes de leur gouvernement brutal.

Afghanistan : la devanture peinturlurée d'un salon de beauté de Kaboul (archive de 2021)
Des milliers de femmes afghanes ont perdu leur source de revenus du fait des interdictionsImage : Haroon Sabawoon/AA/picture alliance

Demain mardi [15.08.23], cela fera deux ans exactement que les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan. Les espoirs d'un régime plus modéré que dans les années 1990 se sont évanouis. Les talibans gouvernent de manière autoritaire et la situation des droits humains est très préoccupante dans le pays.

Amnesty International évoque des cas de persécution, d'arrestations arbitraires, de torture et même d'exécutions extrajudiciaires. La vie des défenseurs des droits humains, des militantes de la société civile et des minorités est régulièrement mise en danger.

Selon RSF, 80% des journalistes afghans ont dû abandonner leur travail ces deux dernières années. 

L'organisation Human Rights Watch parle d'un "cauchemar" humanitaire en matière de droits humains depuis la débâcle des Occidentaux.

L'oppression des femmes 

Les premières victimes de la brutalité des talibans sont les filles et les femmes. Elles sont de nouveau contraintes à porter la burqa, n'ont plus le droit d'étudier et ne peuvent sortir de chez elles qu'accompagnées d'un homme de leur famille. Les petites filles ne peuvent aller à l'école que jusqu'en classe de sixième. Roya Amiry était enseignante à Herat. Elle fait part de son inquiétude : "Lorsqu'une fille n'étudie pas, elle ne peut pas devenir médecin, ingénieure, journaliste ou enseignante. Lorsqu'une fille est analphabète, son avenir est ruiné."

À la suite des interdictions qui pèsent sur leurs activités, environ 60.000 Afghanes ont perdu l'intégralité de leurs revenus depuis 2021. La fermeture des salons de beauté a été un coup dur pour de nombreuses femmes comme cette maquilleuse  :"Nous n'avons pas de travail. Nous risquons de fuir le pays s'il n'y a pas de travail et pas de revenu pour moi ici. Mes enfants ont faim, mon mari n'est pas là pour me soutenir, il est mort."

Plus de travail, plus d'études... les femmes sont les premières victimes du régime autoritaire des talibansImage : ALI KHARA/REUTERS

La faim et le travail des enfants

Les conditions de vie des enfants se sont sensiblement dégradées. L'ONG Save the Children s'inquiète notamment des ravages de la faim.

Un sondage de l'organisation montre que trois quarts des enfants auraient moins à manger que l'année dernière et 58% des foyers afghans souffriraient des conséquences de la pire sécheresse de ces trente dernières années : de larges pans des récoltes ont été détruits par la sécheresse et de nombreuses têtes de bétail sont mortes.

La réduction de l‘aide internationale a également privé des millions de personnes de tout soutien alimentaire. L'Onu chiffre à 4 millions le nombre d'Afghans sous-alimentés, dont plus de 3 millions d'enfants de moins de cinq ans.

De ce fait, de nombreuses femmes et jeunes filles renoncent à une partie de leur alimentation, au profit des autres membres de la famille.

Outre les conséquences sur la santé des enfants, Save the Children s'alarme d'une recrudescence du travail des enfants pour subvenir aux besoins des leurs.

La lutte contre les mines antipersonnel en Afghanistan

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Des efforts à fournir en Allemagne

Dans le Land de Berlin, Katarina Niewiedzial, chargée de l'intégration, souligne aujourd'hui que le plan décidé par le Sénat de la capitale en 2021 pour accueillir 500 citoyens afghans en détresse dans les cinq ans n'a pas encore démarré : aucune personne n'a encore pu trouver refuge dans ce cadre à Berlin. Katarina Niewiedzial appelle le gouvernement fédéral et les autorités régionales à agir vite pour venir en aide aux 14.000 personnes en attente d'évacuation d'Afghanistan, notamment les femmes dont les droits et les libertés sont de plus en plus menacés.

Le président de la Commission d'enquête du Bundestag sur l'Afghanistan, Ralf Stegner (SPD), réclame aussi aux autorités qu'elles simplifient les démarches administratives pour pouvoir accueillir en Allemagne les ressortissants afghans qui travaillaient sur place pour la Bundeswehr.

D'après le ministère de l'Intérieur, 30.000 de ces Afghans auraient obtenu l'autorisation de se réfugier en Allemagne. Mais selon le ministère de la Coopération, seuls 56 personnes qui travaillaient pour des projets allemands d'aide au développement ou à des formations de la police afghane ont vu leur demande d'asile acceptée, tandis que plus d'un millier de dossiers ont été refusés.

L'agro-action allemande (Welthungerhilfe) appelle les Occidentaux à discuter davantage avec les talibans. Elle enjoint également l'Allemagne à rouvrir une représentation diplomatique dans le pays pour aider la population en détresse. Au vu des besoins, la Welthungerhilfe rappelle que "l'aide humanitaire ne doit pas être polisée".