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Afrique, l'alternative possible au gaz russe 

Jennifer Holleis | Martina Schwikowski
8 mars 2022

L'Afrique a un rôle à jouer pour réduire la dépendance de certains Etats européens vis-à-vis des exportations russes. Mais les capacités de production et de transport sont limitées.

Des employés de la centrale électrique Afam VI passent devant un gazoduc de la centrale à Port Harcourt au Nigeria, le 29 septembre 2015
Des employés de la centrale électrique Afam VI passent devant un gazoduc de la centrale à Port Harcourt au Nigeria, le 29 septembre 2015Image : Florian Plaucheur/AFP/Getty Images

L’Algérie est le 10ème producteur mondial de gaz. Le gaz naturel liquéfié (GNL) exporté par Alger en 2021 était en grande partie destiné aux marchés européens, plaçant ainsi le pays au quatrième rang des exportateurs de ce gaz vers l'Europe.

Début mars, la société publique algérienne des hydrocarbures s’est dit prête à augmenter ses livraisons de gaz à l’Europe en cas de baisse des exportations russes. Alger s’appuierait alors sur le gazoduc Transmed reliant l'Algérie à l'Italie.

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Pays nord-africains : pas viables à court terme

Mais selon Alice Gower, directrice géopolitique et sécurité du think tank londonien Azure Strategie, les réserves algériennes voire égyptiennes sont insuffisantes. 

Selon elle, "le point le plus important est que si ces deux pays [Algérie et Egypte] disposent de gaz en termes de réserves, il faut beaucoup de temps pour développer les capacités de liquéfaction et d'exportation".   

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Voilà pourquoi l'experte préfère relativiser l'importance de ces sources d'approvisionnement pour l'Europe. "A court terme, ce n'est pas vraiment une solution viable pour l'Europe et l'Allemagne que de remplacer le gaz russe par ces approvisionnements nord-africains. L'Europe s'appuie habituellement sur des contrats à court terme, mais cela signifie que les fournisseurs de gaz se sont tournés vers des acheteurs plus sûrs et à plus long terme", explique-t-elle.

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De même, les tensions politiques entre Alger et Rabat ont conduit en octobre 2021 au non-renouvellement du contrat entre la Sonatrach (compagnie publique algérienne) et le ministère marocain de l'Energie pour le pipeline à forte capacité qui relie le Maghreb à l’Europe. Le principal problème pour l'Algérie était que le gazoduc passe par le territoire marocain et qu'Alger payait jusqu'à présent 10 % du gaz au royaume chérifien en guise de redevance.

L’Egypte préfère la Chine

Selon un rapport de l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OAPEC), l'Egypte a enregistré en 2021 une forte augmentation de ses exportations par rapport à l'année précédente : 1,4 million de tonnes de gaz naturel liquéfié au deuxième trimestre, contre aucune exportation de GNL l'année précédente à la même période. Parallèlement, le GNL est également le seul gaz que l'Égypte exporte actuellement, le pays n'étant pas encore raccordé à un réseau européen de gazoducs.

En plus, la Chine a proposé à l'Egypte des contrats à long terme à de bonnes conditions et il vaut mieux pour l'Egypte de continuer à être un fournisseur fiable et de maintenir sa part du marché chinois, selon Alice Gower.

Une plateforme pétrolière et gazière au large de la Libye, le 25 février 2022 Image : Antonio Sempere/Europa Press/abaca/picture alliance

La Libye disposerait, elle, de réserves de gaz naturel qui, en 2020, auraient atteint environ 1,4 milliard de mètres cubes. Mais le pays est tellement divisé politiquement qu'il n'apparaît même pas dans la liste des pays exportateurs vers l'Allemagne. Ainsi, même si le gaz libyen était disponible, les infrastructures ne sont pas en mesure de stimuler les exportations, et encore moins de recevoir le paiement, insiste encore Alice Gower.

Des espoirs dans le gazoduc transsaharien ?

Quid alors du Nigeria ? Un mégaprojet suscite l'espoir d'une augmentation des importations de gaz nigérian en Europe : l'Algérie, le Niger et le Nigeria se sont mis d'accord sur la construction d'un gazoduc transsaharien de plus de 4.000 km, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui traversera les trois pays pour atteindre l'Europe.

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Une fois achevé, le gazoduc devrait transporter 30 milliards de mètres cubes de gaz par an. La situation sécuritaire dans la région ainsi que les tensions entre Alger et le Niger ont retardé le projet. Ce n'est qu'en 2021 que l'Algérie et le Niger ont rouvert leurs frontières et que la construction du gazoduc a été relancée. Il est prévu de construire un gazoduc qui reliera le Nigeria au gazoduc existant entre l'Europe et l'Algérie, ce qui permettrait d'approvisionner directement l'Europe en gaz. 

Berlin a suspendu jusqu'à nouvel ordre la procédure d'autorisation pour le gazoduc germano-russe Nord Stream 2Image : Stefan Sauer/dpa/picture alliance

Khadi Camara, une experte des questions d’énergie auprès d’Afrika Verein der deutschen Wirtschaft, une association germano-africaine qui promeut les investissements allemands, pense que, "alors que le Nigeria joue déjà un rôle important sur le marché européen du gaz, il y a également des problèmes de capacité et le Nigeria n'a pas pu atteindre son objectif en 2021. Cela n'est pas dû à un manque de potentiel, mais à l'infrastructure qui ne permet guère de nouvelles extractions et à l'efficacité qui laisse à désirer, et les expansions à grande échelle devraient être associées à la construction d'infrastructures à long terme".

En 2019, l'Europe a importé environ 108 milliards de mètres cubes de GNL, dont plus de 12 milliards en provenance du Nigeria.

Dans une interview accordée lundi (07.08.2022) à la radio allemande Deutschlandfunk, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen reconnaît la dépendance vis-à-vis des importations russes de pétrole, de gaz et de charbon. Mais cette crise doit être une occasion, selon elle, d’investir dans les énergies renouvelables. Et Ursula von der Leyen déclare : "Ce n'est pas seulement un investissement dans la sécurité énergétique, c'est aussi un investissement qui est bon pour notre planète."