L’Agoa à la merci de la politique de Donald Trump
21 mai 2025
Parmi les nombreuses incertitudes engendrées par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il y a celles sur l'avenir de l'accord commercial African Growth and Opportunity Act (Agoa) entre l'Afrique et les Etats-Unis.
Le Congrès américain l'avait voté en mai 2000 et renouvelé à plusieurs reprises. Le dernier renouvellement acté en 2015 arrive toutefois à expiration en septembre prochain.
Le haut responsable du Bureau des affaires africaines au département d'Etat américain a déclaré mardi (20.05) que l’Agoa devra probablement intégrer davantage de "réciprocité" pour être renouvelé. Selon lui, la diplomatie américaine a un rôle secondaire dans les discussions sur la prolongation de l'accord, renvoyant la responsabilité aux diplomates africains pour convaincre le Congrès américain.
Mais la guerre commerciale et les surtaxes imposées tous azimuts par l'administration Trump dans le monde menace le fondement même de l'Agoa.
1.800 produits d'Afrique concernés par l'Agoa
Depuis son entrée en vigueur, l'Agoa a levé les barrières douanières pour le marché américain à plus de 1.800 produits issus de dizaines de pays d'Afrique subsaharienne.
Pour Tsonam Akpeloo, président de l'Association des industries du Ghana, la politique américaine met en péril des milliers d'emplois dans le pays.
"L'une de nos entreprises membres qui produit des tissus et les fournit au marché américain emploie plus de 5 000 personnes ici au Ghana grâce à l'Agoa, qui dispose d'un marché prêt aux États-Unis", explique-t-il.
Tsonam Akpeloo est clair : "Si l'Agoa disparaît, cette entreprise devra payer plus d'impôts et cela signifiera que les personnes employées seront touchées."
Donald Trump a imposé des droits de douane vertigineux à certains pays membres de l'Agoa, y compris le Lesotho, avec des taxes de 50 % pour les produits issus de ce petit pays montagneux.
Et même si l'administration américaine, qui souffle le chaud et le froid, a finalement suspendu pour trois mois l'entrée en vigueur de ces surtaxes, l'imprévisibilité des Etats-Unis fait peser une épée de Damoclès sur les économies africaines.
Les Etats-Unis, destination majeure pour les exportations africaines
Entre 2017 et 2020, les États-Unis ont été la troisième destination des produits industriels africains après l'Union européenne et le commerce intra-africain, selon la London School of Economics.
Les données du Forum économique mondial (FMI) montrent par exemple qu'au Kenya, la valeur des ventes de vêtements dans le cadre de l'Agoa sont passées de 55 millions de dollars (48 millions d'euros) en 2001 à 603 millions de dollars en 2022, représentant près de 68 % des exportations totales du pays vers les États-Unis.
Si le Congrès ne renouvelle pas l'accord, les économistes anticipent des pertes d'emplois à court terme, une hausse des prix des matières premières et une hausse des coûts pour faire des affaires.
L'Afrique est-elle en mesure de négocier avec Donald Trump ?
"C'est comme si un grand frère vous rendait service et que vous n'aviez aucune marge de manœuvre pour négocier", estime Jane Nalunga, de l'Institut d'information et de négociations commerciales d'Afrique australe et orientale (SEATINI).
Ainsi, pour de nombreux observateurs, la capacité de l'Afrique à imposer son agenda dans les négociations commerciales avec les États-Unis est limitée.
En revanche, une entente semble possible sur les "terres rares", ces minéraux précieux du continent qui intéressent Donald Trump.
Pour Jane Akpeloo, le continent pourrait aussi miser sur les produits de l'artisanat de luxe, qui ne font actuellement pas partie des produits bénéficiant d'un accès préférentiel au marché américain.
L'union fait la force
Les économistes estiment que l'Afrique doit présenter un front uni pour peser dans les discussions. Jane Akpeloo rappelle ici la valeur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), qui ambitionne de devenir la plus grande zone de libre-échange au monde, tant par sa portée géographique que par le nombre de pays participants. La ZLECA comprend 54 pays pour un marché de 1,3 milliard d'habitants.