Les migrants envisagent de quitter l’Est de l’Allemagne
20 septembre 2024Stefan Landes travaille au sein de l’entreprise N3 Engine Overhaul Services, située dans la petite ville d’Arnstadt, en Thuringe, dans l’est de l’Allemagne.
Le directeur commercial de cette filiale de la compagnie aérienne allemande, Lufthansa, et du constructeur britannique d’automobile, Rolls Royce, est fier de travailler dans une entreprise qui, dit-il, relie les cultures et les gens. Les 1.100 employés sont issus de 25 pays.
Mais, depuis que le parti d’extrême-droite, Alternative pour l’Allemagne, l’AfD, est arrivé en tête des élections régionales en Thuringe, ces employés, surtout les étrangers, vivent dans la peur.
Besoins de main d’œuvre étrangère
D'un côté donc, une entreprise en plein essor. De l'autre, un parti dont le chef régional, Björn Höcke, souhaite une Allemagne sans immigrés et est en colère contre les entreprises qui ont participé à la campagne "Made in Germany - made by Vielfalt", c’est-à-dire “fait par la diversité”.
Une campagne pour la tolérance et l’ouverture au monde, dans un contexte où l’Allemagne a un grand besoin de main d’œuvre étrangère.
Stefan Landes estime qu’ "ils sont obligés de faire venir des spécialistes d'Asie, par exemple”.
"Nous échouerions avec une politique qui dresse des murs et mise sur l'isolement. Quelqu'un qui souhaite que les entreprises ouvertes sur le monde soient confrontées à de graves turbulences, comme monsieur Höcke, a relativement peu de connaissances en matière de politique économique."
42,1 % des entreprises est-allemandes ont indiqué, dans une enquête de l'institut Ifo, que leurs activités ont été affectées par le manque de personnel qualifié au premier trimestre 2024.
Un quart du personnel soignant est étranger
Le secteur de la santé est également touché. En Thuringe, un médecin hospitalier sur quatre vient désormais de l'étranger.
Anas Jano, cardiologue syrien à l'hôpital universitaire d'Iéna, explique que beaucoup de ses collègues étrangers s'inquiètent de l'évolution de la situation après la victoire de l'AfD aux élections.
"Les médecins s'efforcent ici de s'intégrer dans le système de santé. Mais on a parfois l'impression que l'origine et la couleur de peau jouent toujours un rôle. Et si l'on échange avec d'autres collègues et que l'on entend ces histoires, on réfléchira bien sûr à deux fois avant de venir en Thuringe, par exemple."
Plus de la moitié de ceux qui se sont installés sont restés moins de deux ans en Thuringe.
Une étude annuelle sur la culture politique en Thuringe a révélé qu’un tiers des personnes interrogées se sont prononcées contre l'immigration de travailleurs qualifiés de l'étranger. Une personne sur cinq aurait aussi des opinions d'extrême droite.
Ulganchimeg Nyamaa est chargée de mission auprès de l'organisation MigraNetz Thuringe. Elle explique que, "dès le lendemain du 1er septembre, on a dit aux gens : l'AfD arrive, bientôt vous serez tous partis. Ce matin même, une personne m'a dit à l'arrêt de tramway : 'Bientôt tu repartiras ! Les gens te regardent fixement et sont devenus plus agressifs".
Le succès de l'AfD ne fait toutefois pas seulement réfléchir les migrants d'Allemagne de l'Est. Une enquête récente du Centre allemand de recherche sur l'intégration et la migration conclut qu'une personne sur quatre, issue de l'immigration, envisage de quitter l'Allemagne.