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MédiasAllemagne

L'Allemagne interdit le magazine d'extrême droite "Compact"

Marcel Fürstenau | Anne Le Touzé
16 juillet 2024

Le magazine Compact, jugé "extrémiste" par l'Office de protection de la Constitution, affichait ouvertement des positions d'extrême droite et soutenait le parti AfD.

Perquisition de la police au domicile du rédacteur en chef de "Compact" Jürgen Elsässer
Le rédacteur en chef de "Compact", Jürgen Elsässer, rendu méconnaissable par la DW devant sa maison perquisitionnée par des policiersImage : Sven Kaeuler/dpa/tnn/dpa/picture alliance

Des perquisitions ont été menées au petit matin dans les locaux de "Compact" et aux domiciles de ses dirigeants. Les enquêteurs ont notamment emporté des exemplaires du magazine d'extrême droite ainsi que du matériel du siège de l'entreprise à Falkensee, en banlieue de Berlin.

Agir contre les "pyromanes intellectuels"

La police a effectué des perquisitions dans plusieurs LänderImage : Sven Kaeuler/dpa/tnn/dpa/picture alliance

Dans un communiqué, la ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, a déclaré vouloir agir "contre les pyromanes intellectuels" qu'elle accuse notamment d'attiser la haine "contre les personnes juives et les personnes issues de l'immigration".

Le dernier rapport de l'Office fédéral de protection de la Constitution consacre une page entière au média fondé en 2010 par le journaliste d'extrême droite, Jürgen Elsässer, qui revendique une ligne éditoriale "patriote" et "souverainiste".

On y lit notamment que la "caractéristique principale de nombreuses contributions est l'agitation contre le gouvernement fédéral et plus généralement contre le système politique".

Sont notamment cités des récits conspirationnistes, révisionnistes et antisémites... Des liens avec des groupes d'extrême droite comme le "Mouvement identitaire allemand" (IBD) et le parti régional "Saxe libre" sont également établis.

Porte-voix de l'AfD

Le rédacteur en chef de "Compact" Jürgen Elsässer a désigné le ministre allemand de l'Économie Robert Habeck (Verts) comme ennemi lors d'une manifestation des milieux d'extrême droite (photo d'archives)Image : IPON/IMAGO

La version imprimée du magazine est tirée à environ 40.000 exemplaires par mois, mais la chaîne YouTube, également sous le coup de l'interdiction, compte plusieurs centaines de milliers d'abonnés. Ses vidéos portent souvent des titres racoleurs et des images choquantes.

"Compact" donne aussi régulièrement la parole à des représentants du parti Alternative pour l'Allemagne, l'AfD, et notamment au chef du parti en Thuringe, Björn Höcke. Considéré comme un "extrémiste de droite avéré" par l'Office de protection de la Constitution, il a été récemment condamné à des amendes pour avoir utilisé publiquement un slogan nazi interdit.

Sur la boutique en ligne du magazine, on peut acheter une médaille à son effigie, tout comme à celle de Donald Trump...

Pour interdire "Compact", la ministre de l'Intérieur s'est appuyée sur la Loi fondamentale, dont l'article neuf stipule : "Les associations dont les objectifs ou les activités sont contraires aux lois pénales ou qui s'opposent à l'ordre constitutionnel ou à l'idée d'entente entre les peuples sont interdites".

L'AfD dénonce un coup contre la liberté de la presse

Björn Höcke a été souvent interviewé par le magazine "Compact"Image : dpa

Pour Nancy Faeser, le signal est très clair : "notre Etat de droit protège tous ceux qui sont attaqués en raison de leur foi, de leur origine, de leur couleur de peau ou encore de leur position démocratique", déclare-t-elle dans le communiqué.

Le rédacteur en chef du magazine, Jürgen Elsässer, âgé de 67 ans, était jadis à l'extrême gauche. Membre de la Ligue communiste, il a notamment travaillé pour le journal "Neues Deutschland", organe central de la SED, le parti unique de la RDA, avant de virer à l'autre extrémité de l'échiquier politique.

Dans une déclaration commune, les dirigeants de l'AfD, Alice Weidel et Tino Chrupalla, ont dénoncé un coup dur contre la liberté de la presse et la diversité d'opinions. Ils accusent la ministre de l'Intérieur d'abuser de ses compétences pour réprimer les reportages critiques.

Stephan Kramer, le chef de l'Office de protection de la Constitution de Thuringe, où Björn Höcke espère remporter les élections régionales en septembre, a quant à lui salué une mesure "cohérente et urgente dans la poursuite de la lutte de l'Etat contre les milieux d'extrême droite".