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Débat autour du mot "race" dans la constitution allemande

15 juin 2020

Des partis politiques réclament de changer le mot "race" dans la constitution allemande. Le juriste Prof. Christian Tomuschat explique pourquoi il trouve cela inutile pour combattre vraiment le racisme.

Manifestation anti-racisme devant la Porte de Brandebourg à Berlin
Manifestation anti-racisme devant la Porte de Brandebourg à BerlinImage : Reuters/C. Mang

Chez les humains, les biologistes estiment qu’il n’y a pas de races différentes. Il y a l’espèce humaine, mais on ne peut pas diviser les individus en sous-groupes selon leur couleur de peau, la forme de leurs yeux, leurs cheveux… le génome humain ne permet pas de distinguer les individus en sous-groupes. C’est pourquoi la présence de ce terme de "race" dans la loi fondamentale allemande (Grundgesetz) fait polémique depuis des mois, relancée sur fond de manifestations antiracisme après la mort de George Floyd.

Retour sur ce débat en Allemagne, avec le juriste Christian Tomuschat. Professeur émérite de droit àl’université Humbolt de Berlin, et ancien membre de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, il commence par expliquer, au micro de Sandrine Blanchard, pourquoi il est opposé au retrait du mot "race"  de la constitution allemande de 1949.

Ecoutez-le en cliquant ci-contre:

'Changer les mots de changera pas la réalité"

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"Nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison [...] de sa race"

L’article 3, paragraphe 3, de la loi fondamentale allemande de 1949 commence ainsi : "Nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison de son sexe, de son ascendance, de sa race, de sa langue, de sa patrie et de son origine, de sa croyance, de ses opinions religieuses ou politiques."

Le parti écologiste, dans l’opposition, réclame depuis le mois de mars qu’on enlève le mot "race" de la constitution, parce qu’"il n’y  a pas de races, il y a des humains". Une conviction portée par la tête du parti et appuyée par des élus noirs des Verts, comme Aminata Touré, du Land du Schleswig-Holstein et du SPD, comme Karamba Diaby (dans le Land de Saxe-Anhalt).

Die Linke, à gauche, soutient cette demande, tout en exigeant que l’interdiction de toute discrimination par la loi fondamentale ne soit pas "édulcorée".

La chargée de la lutte contre les discriminations au sein du gouvernement, la sociale-démocrate Bärbel Kofler, s’est exprimée elle aussi dans le même sens. Selon elle, il faut un autre terme qui "montre sans aucune ambiguïté que la constitution allemande protège aussi du racisme". 

Manifestation "Black Lives matter" à Hambourg, début juin 2020Image : picture-alliance/dpa/C. Charisius

Le parti libéral FDP propose d’utiliser la formulation "origine ethnique". Son chef, Christian Lindner appelle à marquer le symbole et il cite même Martin Luther King en appelant de ses vœux un pays où  les humains "ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau mais sur leur caractère".

Les conservateurs (CDU/CSU), eux, se montrent sceptiques et dénoncent une "politique de symboles" qui ne permettra pas de venir à bout du racisme 
Le principe de "race" a, dans l’histoire, souvent été employé pour établir une hiérarchie entre les personnes, et donc la possibilité d’un rapport de domination quasi naturel : de la traite des noirs.  

Ernst Haeckel, aux alentours de 1910Image : picture-alliance/akg-images

Les scientifiques réfutent le concept de "races" chez les humains 

L’existence de "races" différentes au sein de l’espèce humaine a trouvé une fausse légitimation scientifique aux XVIIe et XIXe siècles, suite aux travaux de biologistes de l’évolution comme le Britannique Darwin dont les travaux ont été poursuivis par un Allemand de Iéna, Ernst Haeckel (1834-1919).
Dans les années 1930, le régime nazi a repris et détourné une partie de ces recherches  pour justifier sa politique raciste d’extermination qui a fait des millions de morts.
C’est justement pour éviter cette utilisation du terme de "race" à des fins politiques que les législateurs ont décidé en 1949 de l’inscrire dans la loi fondamentale.

>>>> A voir aussi  cette vidéo sur le quotidien des noirs en Allemagne :

Une grande enquête sur la situation des noirs en Allemagne

02:56

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