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Vers une coopération renforcée entre Berlin et Paris ?

Frank Hofmann | Carole Assignon
28 août 2025

Le secteur de l'armement suscite quelques malentendus entre l'Allemagne et la France qui veulent toutefois y renforcer leur coopération.

Berlin 2025 | le chancelier Friedrich Merz et le président Emmanuel Macron se serrant les mains.
Le chancelier allemand Friedrich Merz et le président Emmanuel Macron souhaitent renforcer la coopération franco-allemande.Image : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, et le président français,Emmanuel Macron, veulent relancer le couple franco-allemand qui fait face à des difficultés depuis des années. Les deux dirigeants se retrouvent, ce jeudi soir (28.08), au fort de Brégançon, résidence d'été des présidents français, sur la Côte d'Azur, avant un conseil des ministres conjoint prévu vendredi au fort du Cap Brun à Toulon.

Objectif : renforcer l'industrie et la défense européenne sur fond de fortes tensions internationales. Et c'est pour nous l'occasion de revenir justement sur la coopération entre l'Allemagne et la France en matière d'armement, un secteur qui suscite quelques malentendus entre les deux pays.

Un projet ambitieux

Avec un coût d'au moins 100 milliards d'euros, le "Future Combat Air System" (FCAS), le projet d'armement le plus coûteux d'Europe, vise à combiner un nouvel avion de combat européen avec des flottes de drones, à partir de 2040, contrôlés depuis un cloud européen dédié à la défense.

" Il s'agit plutôt d'un système de combat aérien ", explique Christian Mölling, expert allemand en sécurité, dans une interview accordée à la DW. L'objectif : réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis et de leur avion de combat F-35 doté de la technologie furtive.
Mais c'est surtout l'avion lui-même qui fait l'objet d'un différend entre les entreprises participantes, Dassault en France et Airbus en Allemagne et en Espagne.La situation s'est tellement aggravée que les dirigeants doivent désormais intervenir.

Le "Future Combat Air System" (FCAS) est un projet d'armement qui vise à combiner un nouvel avion de combat européen avec des flottes de drones.Image : Geoffroy Van der Hasselt/AFP/Getty Images

Pression exercée par le groupe français d'armement Dassault

Le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz se rendent ainsi à Toulon, dans le sud de la France, pour participer à la réunion du Conseil franco-allemand de sécurité et de défense. Ce comité se réunit deux fois par an, généralement à l'insu du grand public.
Mais c'est surtout le PDG du constructeur français d'avions de combat Dassault qui a exercé une forte pression ces derniers mois. L'entreprise construit des composants essentiels pour la dissuasion nucléaire française, fondement de l'indépendance militaire du pays.
En juillet, le PDG de Dassault, Éric Trappier, a joué la carte nationale devant la commission de la défense du Parlement français : Certains ont déclaré qu'un "affaiblissement de cette indépendance", tel que celui induit par le projet FCAS, " n'était pas si préjudiciable ", car il serait compensé par l'interdépendance des partenaires européens. Mais selon Eric Trappier, "une fois ce pas franchi, il n'y a plus de retour en arrière possible ".

Airbus Allemagne insiste sur ses parts de production

Alors que les responsables politiques doivent décider avec qui la France va construire l'avion de combat de nouvelle génération, le groupe aéronautique européen Airbus, quant à lui, insiste  pour avoir son mot à dire.

Airbus construit en Allemagne l'avion de combat actuel de l'armée de l'air allemande, l'Eurofighter, et ne veut pas se laisser évincer de ce marché.

Négociations contractuelles pour la deuxième phase du projet 

La raison de l'escalade actuelle réside dans les négociations contractuelles en cours pour la deuxième phase du projet : il s'agit de la construction du premier prototype de l'avion, qui sera au cœur du nouveau système.

Dans ce domaine, la société Dassault souhaite obtenir encore plus de pouvoir décisionnel qu'elle n'en a déjà."Il reviendra aux politiques et à l'État d'indiquer avec qui nous réaliserons le NGF (le chasseur de nouvelle génération, New Generation Fighter en anglais, ndlr) a assuré Éric Trappier de Dassault Aviation.

Éric Trappier, le PDG de Dassault a joué la carte nationale devant la commission de la défense du Parlement français en juillet.Image : Baziz Chibane/MAXPPP/dpa/picture alliance

Emil Archambault expert en armement du groupe de réflexion DGAP (Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik), à Berlin, estime qu'on pourrait faire en sorte que "la France construise une plus grande partie de l'avion et que d'autres parties soient construites en Allemagne et en Espagne".

Mais il reconnait que cette stratégie pourrait aussi "être très compliquée. Car il ne s'agit pas seulement des grandes entreprises, mais aussi des fournisseurs de taille moyenne. La question est alors de savoir qui fait quoi exactement et qui coordonne le tout":

De la rencontre entre le président Emmanuel Macron et le chancelier Friedrich Merz, dans le sud de la France, Emil Archambault n'attend toutefois guère plus qu'un " signal politique ", indiquant que la France et l'Allemagne poursuivent le projet.

Il ne peut en effet y avoir de discussion sur les détails du contrat tant que le troisième partenaire, l'Espagne, n'est pas présent à la table des négociations.

Mais le temps presse : lors de sa visite à Berlin en juillet, le président français Macron a convenu avec le chancelier Friedrich Merz que leurs ministres de la Défense devaient présenter une solution définitive dès l'automne. Sinon, le lancement de la deuxième phase du projet l'année prochaine serait irréaliste.
Cependant, le chancelier allemand a peut-être les meilleurs arguments pour le moment, notamment plus d'argent. La France est fortement endettée et le gouvernement risque de tomber parce qu'il n'obtient pas la majorité pour le budget.