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80 ans après Auschwitz, la culture du souvenir en Allemagne

27 janvier 2025

En Allemagne, chaque 27 janvier, la mémoire des victimes du national-socialisme est honorée. Cette journée, dédiée à la mémoire de l'Holocauste, reste au cœur de la culture du souvenir.

Pologne | Auschwitz | Février 1945 - Les survivant quittaient le camp.
Libération du camp par l'Armée rouge le 27 janvier 1945, il y a 80 ans tout juste. Les survivant quittaient le camp. Image : Reinhard Schultz/IMAGO

Le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz en 1945, les drapeaux sont mis en berne au Bundestag, des gerbes de fleurs sont déposées et de nombreux responsables politiques prononcent des discours. Cette journée, reconnue au niveau international comme la Journée de la mémoire de l’Holocauste, est un élément central de la culture du souvenir en Allemagne.

L'Allemagne compte plus de 300 lieux de mémoire et centres de documentation sur le national-socialisme. L'étude de cette période fait partie des programmes scolaires et de nombreux élèves visitent d’anciens camps de concentration afin de comprendre les atrocités qui y ont été commises.

Par ailleurs, de grands procès ont eu lieu, comme ceux d'Auschwitz et certaines entreprises ont mis en lumière leur implication dans les crimes nazis. Aujourd’hui encore, d'anciens gardiens des camps de concentration sont jugés, malgré leur âge avancé.

Quelque 76.000 Juifs, dont plus de 11.000 enfants, ont été déportés par les nazis avec l'aide du gouvernement collaborationniste de Vichy et tués.Image : AFP

Une mémoire contestée et menacée

La culture du souvenir en Allemagne est aussi confrontée à des menaces, notamment de la part de l’extrême droite et des mouvements populistes. Des responsables de sites mémoriaux font face à des intimidations à cause de leur engagement contre ces courants politiques.

De nombreuses institutions sont aussi victimes d’actes de vandalisme et de négationnisme. Selon Veronika Hager de la Fondation EVZ (Erinnerung, Verantwortung, Zukunft "Mémoire, responsabilité, avenir"), les discours d’extrême droite, autrefois rejetés par la société, trouvent aujourd’hui plus d’écho.

"Ce qui est dangereux, c'est plutôt que le champ de ce qui est acceptable dans la société se dilue lentement aux bords et des propos que nous rejetions encore collectivement comme relativement extrêmes il y a 10 ans, trouvent aujourd'hui beaucoup plus de soutien."

Des figures politiques de l'AfD ont également fait des déclarations polémiques, minimisant les crimes nazis ou tentant de réviser l’histoire, comme l’affirmation selon laquelle Hitler était un "socialiste antisémite" ou que le nazisme ne serait qu’un "simple détail de l’Histoire".

La montée récente de l’antisémitisme, notamment après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, a conduit certains à s’interroger sur l’efficacité de la culture du souvenir en Allemagne. Michel Friedman, essayiste et figure de la communauté juive allemande, critique la dimension trop ritualisée de cette mémoire, qui met l'accent sur les victimes du passé plutôt que sur la protection des Juifs aujourd’hui.

Construit en Pologne occupée, Auschwitz-Birkenau est le symbole du génocide perpétré par l'Allemagne nazie qui a entraîné la mort de six millions de Juifs, dont environ un million assassinés dans le camp entre 1940 et 1945.Image : AFP

Joseph Wilson, spécialiste de la lutte contre l'antisémitisme, souligne lui que la culture du souvenir ne se traduit pas nécessairement par une prévention efficace contre l’antisémitisme actuel. L’émotion ressentie lors des commémorations ne suffit pas à immuniser contre les théories du complot ou les discours de haine.

Une mémoire en évolution

La culture du souvenir en Allemagne a toujours été sujette à des débats et à des tensions. Si elle s'est d'abord concentrée sur les crimes nazis, elle intègre aujourd’hui d'autres chapitres de l'histoire, comme la dictature de la RDA et la colonisation. Les récents conflits au Moyen-Orient ont aussi révélé des fractures, certains remettant en question le lien entre la mémoire de la Shoah et le soutien à Israël.

Des slogans comme "Free Palestine from German Guilt" ("Libérez la Palestine de la culpabilité allemande") illustrent cette tension. Pour certains, il s’agit d’un rejet de la responsabilité historique allemande ; pour d’autres, cela exprime une critique politique des positions du gouvernement. Ces débats montrent qu'il n’existe pas une seule mémoire collective en Allemagne, mais plusieurs mémoires en constante évolution.

Veronika Hager plaide pour une culture du souvenir plus concrète et ancrée dans le quotidien. Elle suggère, par exemple, que les apprentis étudient l’histoire de leurs entreprises sous le nazisme ou que les habitants enquêtent sur le passé de leurs immeubles. Michel Friedman rappelle aussi l'importance de questionner le rôle des générations précédentes dans les crimes nazis.

En définitive, la culture du souvenir en Allemagne n'est pas figée. Elle évolue avec le temps et les débats de société et continue de se réinventer face aux nouveaux défis politiques et mémoriels.