Après le naufrage de Minova, des survivants témoignent
4 octobre 2024En fin de matinée, le jeudi 3 octobre, l'embarcation partie de Minova, dans le Sud-Kivu, avec à son bord plusieurs centaines de passagers, selon des rescapés et des témoins, a chaviré à quelques centaines de mètres avant l'accostage au port de Kituku, à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu.
Faustin Byamungu Fumbu était à bord du bateau MV/Merdi. Il est encore sous le choc. C’est sa nièce, Clarisse Rwicha, qui nous raconte ce qu’il a vécu sur ce bateau.
"Il nous a expliqué comment cela s’est passé. Il y a eu une grande vague, ils étaient tout proches du port de Kituku quand le capitaine s’est mis à progresser rapidement au lieu de ralentir. Ensuite, le bateau s’est tourné vers l’eau", confie la jeune fille.
"Les gens qui étaient à l’extérieur (sur le bateau, ndlr), ce sont eux qui ont été sauvés. Notre oncle nous a aussi expliqué qu’il y a beaucoup de personnes, comme des mamans, qui ont piqué des crises. Il y a des personnes qui se sont noyées après avoir eu une crise cardiaque. Il (notre oncle, ndlr) est tombé dans l’eau, il a plongé. Ils ont nagé avec d’autres pendant 30 à 45 minutes et ce sont les petites pirogues qui les ont secourus."
Non respect de la législation lacustre
Ce n’est pas la première fois qu’une embarcation de ce type chavire sur le lac Kivu. En avril 2019, un naufrage similaire avait eu lieu à Kalehe, dans le Sud-Kivu. Cette fois aussi, parmi les nombreuses questions, il y avait le non-respect de la législation en matière de transport lacustre.
Joseph Musanganya est membre de la société civile à Minova. Pour lui, une des causes principales du naufrage de ce 3 octobre est le tonnage excessif. Il y avait, selon lui, environ 600 personnes à bord. Joseph Musanganya déplore le fait qu’en RDC, selon lui, des mesures concrètes et préventives sont souvent prises seulement après un incident.
" Il y a eu une imprudence des services qui sont commis aux services lacustres. Même le manifeste n’a pas été complété, ce qui engendre une confusion totale sur le nombre de personnes qui étaient à bord. La société civile demande au chef de l’Etat de tout mettre en œuvre afin de rouvrir la route nationale N°2 qui relie Goma à Bukavu pour que de tels drames ne puissent plus se reproduire. Que des enquêtes sérieuses puissent se faire afin que les auteurs soient punis. Le chef de l'Etat avait promis, en 2019, de doter cette partie du pays de quatre ports, mais aussi des bateaux pour essayer de réduire les naufrages sur le lac Kivu," précise-t-il à la Deutsche Welle.
Joseph Musanganya nous a confié que des agents des services de l’Etat incriminés seraient actuellement en fuite. Le gouvernement, de son côté, a suspendu certains de ses commissaires lacustres, précise-t-il.
Les mêmes causes produisent les mêmes effets
Luc Henkinbrant est consultant en RDC. Il a réalisé une étude sur les nombreux naufrages qui ont eu lieu sur le lac Kivu. Il rappelle qu’en 2019, lors du naufrage de Kalehe, le président Félix Tshisekedi s’était déjà rendu sur place et avait préconisé une série de mesures.
Une enquête devait être ouverte pour déterminer les responsabilités et poursuivre les responsables qui pouvaient être non seulement l’armateur, le capitaine du bateau, mais aussi les agents de l’Etat qui n’auraient pas rempli leur rôle, peut-être en raison de la corruption :
"Aucune enquête sérieuse n’a été faite, personne n’a été poursuivi. C’est l’impunité totale, ce qui évidemment conduit au renouvellement des mêmes problèmes et des mêmes drames. Cette route (qui relie Goma à Bukavu, ndlr), rien n’est fait, elle est toujours impraticable. En plus, elle est coupée sur une portion par les rebelles du M23. Il faut évidemment remettre en route les différentes mesures préconisées à l’époque du naufrage de 2019 et cette fois-ci, veiller strictement à ce qu’elles soient mises en application."
Le président congolais, qui est actuellement en déplacement à l’étranger, a fait savoir qu’il a appris "avec consternation" ce qui s’est passé sur le lac Kivu ce 3 octobre. Il a demandé à Jean-Pierre Bemba, vice-Premier ministre des transports, d'ouvrir une enquête sur ce drame.