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Armes chimiques : enquête allemande sur le régime Assad

Birgitta Schülke-Grill | Julia Bayer | Lewis Sanders
27 novembre 2020

La justice allemande examine actuellement une plainte pénale concernant des attaques au gaz toxique en Syrie. La Deutsche Welle et "Der Spiegel" ont eu accès à des témoins et à des documents incriminants.

La ville de Douma après une attaque en Syrie en 2017
Le rapport rendu en septembre 2013 par la mission d’enquête des Nations unies sur l’emploi d’armes chimiques confirme l’usage à grande échelle d’armes chimiquesImage : picture alliance/ZUMAPRESS/Edlib

Va-t-on enfin rendre justice aux victimes syriennes des attaques chimiques ? La question se pose depuis qu'une plainte a été déposée devant un tribunal en Allemagne, en octobre. Une première. Plainte contre deux attaques au gaz sarin : dans la banlieue de Damas, dans la Ghouta orientale, en 2013, et à Khan Cheikhoun, entre Damas et Alep, en 2017. Elles auraient fait au moins 1.200 morts. La DW et l'hebodmadaire Der Spiegel ont eu accès à des documents et des témoignages. 

Pourquoi une plainte en Allemagne ?

C'est au nom de la compétence universelle de la justice que la plainte a été déposée en Allemagne. Une disposition qui permet à un Etat d'enquêter et de poursuivre une infraction, même si elle n'a pas été commise sur son territoire. Il faut simplement que l'infraction ait été commise par une personne étrangère au pays qui enquête, contre une autre personne étrangère. "L'objectif en fait est de lutter contre l'impunité et de ne pas laisser les auteurs de violations graves des droits humains impunis",explique Amnesty International.

Que s'est-il passé lors des attaques ? 

Le 21 août 2013, une attaque au gaz sarin a lieu dans la région de la Goutha orientale. Ce jour-là Eman (son nom a été modifié) a vécu l'horreur. "C'était comme le jour du jugement dernier, comme si les gens étaient des fourmis tuées par des insecticides", raconte-t-elle aujourd'hui. "Beaucoup de gens sont morts sur la route, les voitures étaient arrêtées, les gens entassés, comme s'ils étaient morts en essayant de fuir".

Infirmière désormais réfugiée en Allemagne, elle garde de graves séquelles psychologiques et souffre de crises de panique permanentes. Un de ses fils lui est mort le 21 août 2013, comme au moins 400 enfants. La seconde attaque chimique, elle aussi au gaz sarin, a été menée le 4 avril 2017 à Khan Cheikhoun, entre Damas et Alep. Il y aurait eu là 200 morts selon l'Open Society Justice Initiative (OSJI), Syrian Archive et le Centre syrien des médias et de la liberté d'expression, à l'origine de la plainte. 

Sur quoi peut s'appuyer la justice ?

Certains qui ont tenté de documenter l'attaque ont mystérieusement disparus... Mais pas tous. C'est désormais grâce à leur travail et aux témoignages des survivants que les trois ONG à l'origine de la plainte éspèrent faire condamner le régime Assad.

2018 : Berlin réagit après l'attaque chimique présumée en Syrie

"Nous avons la preuve que le président Assad est impliqué dans la prise de décision", assure Steve Kostas, juriste senior à l'Open Society Justice Initiative. "Je ne dirais pas que nous l'avons nous-mêmes prouvé, mais nous avons des informations qui indiquent son implication dans les attaques au sarin".

En 2013, après l’attaque chimique de la Ghouta, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté une résolution 2118 pour la mise en place d'un mécanisme de démantèlement et de surveillance du programme chimique syrienImage : picture alliance/ZUMAPRESS.com

Des attaques confirmées par l'ONU aussi, même si elle n'a pas nommé de responsables. Reste à savoir si les documents aujourd'hui aux mains de la justice allemande suffiront. "Les personnes qui ont donné des ordres à des soldats lambda ou à la personne chargée de lancer les attaques peuvent être inculpées en raison de cet acte d'ordre, même si la personne ne l'a pas ordonné elle-même mais qu'elle était au courant de ces attaques", explique Robert Henisch, professeur associé de droit international à l'université de Leyde aux Pays-Bas. "En raison de leur fonction de commandant militaire, ils peuvent être tenus pour responsables."

"Nous enquêtons et ne pouvons rien dire de plus pour le moment", répond la justice allemande à la DW. "Il faut que les responsables de l'attaque rendent des comptes", souffle elle Eman en terminant une nouvelle cigarette. Avis partagé par beaucoup de quelque 600.000 réfugiés syriens aujourd'hui en Allemagne.

Vous pouvez également lire et partager cette enquête, ici en allemand, et ici en anglais. 

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