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Artistes africains, des voix qui dérangent et qui éveillent

Brigitte Yoda
27 juin 2025

Dans plusieurs pays d’Afrique, des artistes s’engagent, parfois au péril de leur sécurité, voire de leur vie, pour dénoncer les tares de la société et les dérives des régimes en place.

Festival de Carthage 2023 | Tiken Jah Fakoly en concert
Tiken Jah Fakoly en concert le 16 août 2023, au festival de Carthage en Tunisie. De son vrai nom Doumbia Moussa Fakoly, né le 23 juin 1968 à Odienné, en Côte d’Ivoire, il est chanteur, auteur-compositeur et artiste de reggae.Image : Chokri Mahjoub/ZUMA Press Wire/picture alliance

Entre menaces, incompréhensions et exils, les artistes engagés défient les interdits en Afrique. Sur le continent, de nombreux artistes musiciens restent des voix dissidentes, au risque de l’exil, des menaces ou des arrestations.

Au Togo, le reggaeman Amen Jah Cissé illustre cet engagement dans sa reprise poignante : "Mon Togo va mal… ". À travers ce titre, il dénonce la situation dans son pays et salue le courage de son confrère Aamron, arrêté après avoir osé critiquer le pouvoir.

"Aamron a réveillé un peuple qui dormait. Il a donné du courage à ceux qui étaient découragés de la politique. Il a dénoncé un système qui a pris un peuple en otage. Le gars n’est pas fou, il est juste normal", affirme Amen Jah Cissé.

Un combat sans frontières

Pour l’artiste, la liberté d’expression est un combat sans frontières qu’il poursuit à travers des chansons comme Actualités brûlantes, en duo avec Tiken Jah Fakoly. Mais ce type d’engagement est souvent mal compris.

Burkina Faso : mouvement citoyen Le Balai Citoyen — Les artistes burkinabè Smockey (rap) et Sams’K Le Jah (reggae) donnent une conférence de presse à Ouagadougou le 25 août 2013 après le lancement de leur nouveau mouvement baptisé « Le Balai Citoyen ».Image : Ahmed Ouoba/AFP/Getty Images

Dans "Actualités brûlantes, ma partie a seulement touché le Togo et Fakoly a continué avec les pays comme la Côte d’Ivoire, Cameroun, et les pays de l’AES. Mais les gens ont mal compris Fakoly. Fakoly n’est pas contre les pays de l’AES, moi non plus", précise-t-il, face aux critiques qui leur reprochent de viser certains régimes plus que d’autres.

Cette incompréhension, Elie Kamano, rappeur guinéen, la partage. Accusé d’avoir une posture sélective, il rappelle la gravité de la situation dans des pays comme le Burkina Faso : "On ne peut pas donner la démocratie à un peuple qui n’est pas sécurisé. Donc pour moi, le cas du Togo, de la Guinée, du Sénégal et de ces autres pays n’est pas comparable aux pays de l’AES, qui ont vu leur population se faire massacrer. Moi, si mon pays brûlait comme le Burkina, je mettrais ma voix au service des autorités pour combattre l’ennemi."

Des artistes sur le chemin de l’exil

La parole libre a aussi conduit des artistes sur le chemin de l’exil, à l’image du Rwandais Jean-Paul Samputu. "J’ai été le premier artiste, le premier Rwandais survivant du génocide à pardonner l’homme qui a tué mon père. J’ai des gens qui me menacent chaque jour, qui me disent "on va te tuer, tu vas voir", mais je m’en fous. Moi, mon véritable ennemi, c’est ma haine, ce n’est pas l’être humain. Alors les gens qui ne comprennent pas deviennent des ennemis", confie-t-il.

Qu’ils soient au Togo, en Guinée, au Rwanda ou ailleurs, ces artistes engagés lancent un appel aux jeunes du milieu musical : bannir la peur, dénoncer les injustices, mais aussi promouvoir la paix, le pardon et le vivre-ensemble. Un message que chacun d’eux porte à travers ses notes et ses mots.

Brigitte Yoda Stagiaire DW