Au Cameroun, nouvelle opération ville morte
3 novembre 2025
Dimanche (02.11) au soir, à Douala, la capitale économique du Cameroun, les stations-services et les agences de transports interurbains sont restées fermées et les taxis introuvables. Seuls les mototaxis et véhicules personnels circulaient.
Pendant ce temps, les boulangeries ne désemplissaient pas des clients qui se préparaient pour les villes mortes annoncées pour ce lundi. Des commerçants sont révoltés de ne pouvoir pas ouvrir boutique aujourd’hui, encore :
"Moi, je ne peux pas comprendre pourquoi on doit fermer nos boutiques", témoigne l'un d'eux. "Déjà, le simple fait qu’on casse nos commerces ce n’est pas normal. C’est pas Tchiroma qui m’a donné l’argent pour ouvrir mon commerce. Ce n’est pas Paul Biya qui m’a donné l’argent pour ouvrir mon commerce. Ce sont mes efforts personnels. Et alors, détruire mon commerce, c’est dangereux."
Inflation
Alors que la vie avait timidement repris samedi, après la journée morte de vendredi, l’inflation, elle, s’est installée dès le lendemain de la proclamation des résultats de la présidentielle, le 27 octobre 2025. Le secteur des vivres et autres denrées de première nécessité est le plus touché.
Le cageot de tomates de 8000 francs est passé à 10 000, voire 12 000 francs. Le kilogramme de viande sans os est passé de 3000 à 5000 francs. Alphonse Ayissi Abena, le président de la Fondation camerounaise des consommateurs, observe lui aussi que "les baguettes de pain sont vendues à 125 francs, au lieu de 100 francs la baguette de 100 grammes. Plusieurs patients n’ont pas pu honorer leurs rendez-vous dans les formations sanitaires. Et beaucoup d’entre eux voient leur pronostic vital être engagé. On appelle à l’apaisement. Parce qu’aujourd’hui déjà, les tensions sont fortes, et plusieurs ménages n’arrivent plus à avoir un repas par jour."
Réaction du clergé
Cette situation inflationniste a provoqué une sortie du ministre du commerce, Luc Magloire Atangana qui tente en vain de faire respecter les prix homologués. Selon l’Institut national de la statistique, trois millions de camerounais vivaient déjà en insécurité alimentaire aiguë.
C’est dans ce contexte que l’Archevêque de Douala, Samuel Kleda, est monté au micro samedi, sur la télévision de l’Archidiocèse de Douala, pour prendre position pour la première fois, depuis le début du conflit post-électoral qui a fait de nombreux morts, des blessés, des arrestations et d’importants dégâts matériel.
D'après lui, "il est indispensable que ces violences, ces intimidations, ces arrestations et assassinats prennent fin. Le Cameroun ne devrait pas être une terre d’affrontements permanents entre le pouvoir et le peuple après chaque élection présidentielle. La démocratie ne s’accommode pas des coups de canons, de menaces, des arrestations et des intimidations des citoyens qui ont une pensée contraire. On n’organise pas une élection pour tuer les citoyens. On ne gouverne pas un peuple avec des armes. Aucun gouvernement au monde ne peut gouverner sans peuple."
Monseigneur Samuel Kleda invite à réfléchir sur ce qui pousse à la colère des Camerounais. Nos compatriotes demandent à être écoutés et que leurs aspirations soient considérées, poursuit-il. Et d’ajouter : "le Cameroun profond crie sa souffrance et sa misère":
"Le taux de chômage général actuel est estimé à 74%, et celui de pauvreté au Cameroun en 2024 à environ 7,7%. 10,1 millions de Camerounais vivent avec moins de 1000 francs CFA par jour. Le Cameroun compte plus de 6 millions de citoyens sur les routes de l’exil ou l’immigration clandestine."
Après Monseigneur Paul Lontsie Keune, Archevêque de Bafoussam, Samuel Kleda est le deuxième Archevêque du Cameroun à interpeler les autorités camerounaises au lendemain du scrutin du 12 octobre dernier.