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Mali : la plupart des gouverneurs sont encore des militaires

26 novembre 2020

Au Mali, le Conseil des ministres a nommé 13 officiers, des militaires donc, et sept civils pour occuper les vingt postes de gouverneurs. Certains s'inquiètent de cette transition en uniforme.

Au Mali, l'exécutif s'uniformise
Au Mali, l'exécutif s'uniformiseImage : picture-alliance/dpa/A.I. Bänsch

Au Mali, un gouverneur est le plus haut représentant de l'Etat dans les régions. Ces nominations d'officiers à des postes hauts placés dans l'appareil exécutif font réagir : certains s'inquiètent au Mali de la mainmise de l'armée sur les autorités de la transition censée rendre le pouvoir aux civils.

Redécoupage administratif

Le nombre de régions au Mali est passé de quinze à vingt à la faveur du redécoupage administratif du territoire. A cette occasion, des colonels et généraux ont été choisis par les autorités de la transition pour diriger treize régions, contre sept qui seront gouvernées par des civils. 

Cela équivaut à une multiplication quasiment par trois du nombre de militaires qui représentent l'Etat à l'intérieur du pays, notamment dans le centre et le nord.

Lire aussi → Mali : les militaires surreprésentés au CNT

Le tout militaire

Ces officiers sont des proches du vice-président de la transition, Assimi Goïta. C'est une façon pour les putschistes de s'attacher durablement ceux qui les ont aidés à renverser le régime précédent. D'ailleurs, de nombreux militaires sont aussi nommés aux postes de préfets et de sous-préfets, souligne Christian Klatt, directeur de la Fondation allemande Friedrich Ebert à Bamako :

"Ces nominations de militaires montrent clairement que la transition met l'accent sur l'aspect militaire. Cela est évident non seulement pour les gouverneurs mais aussi pour les préfets ou les sous-préfets qui sont de plus en plus des militaires."

A Kati, des soldats contrôlent des véhicules le jour du putsch: 18 août 2020Image : Mohamed Salaha/AP Photo/picture-alliance

Les nouveaux gouverneurs auront pour charge de rétablir l'autorité de l'Etat central dans des régions parfois affaiblies par la présence de groupes armés et d'appliquer la nouvelle stratégie de sécurisation des populations. Ce dernier aspect peut légitimer le choix de militaires dans certaines zones particulièrement exposées.

Le retour de Kéba Sangaré

Parmi les noms les plus contestés : celui du général Kéba Sangaré, ancien chef d'état-major de l'Armée de terre en 2019 et 2020, qui va prendre la tête de la région de Bougouni, dans le sud. Il avait été limogé par le président IBK à la veille du putsch pour n'avoir pas su éviter la récidive de massacres dans le village d'Ogossagou en pays Dogon (dans le centre).

Ce même général Sangaré était cité dans un rapport d'experts remis au Conseil de sécurité de l'ONU en août pour ses "prises de décision douteuses" lors du redéploiement des FAMA (armée malienne) dans le nord, fin 2019.

Christian Klatt, directeur de la Fondation allemande Friedrich Ebert à Bamako, estime que ces nominations sonnent le glas des "espoirs de nouveau départ" après le coup d'Etat du mois d'août dernier. "L'armée malienne a de nombreux problèmes qui n'ont pas disparu", constate-t-il. "Il y a de nombreuses accusations de corruption contre l'armée. Ramener un personnage comme Sangaré dans le jeu dit clairement qu'on n'a pas complètement rompu avec l'ancien système", pense Christian Klatt.

Transition dans la continuité

Mohamed Cissé, porte-parole du CICR au Mali, ne peut pas commenter les décisions politiques. Mais il assure que le Comité international de la Croix Rouge va continuer à intervenir dans les régions – comme il le fait quelles que soient les autorités en place.

"Nous entretenons des dialogues bilatéraux avec les autorités pour avoir accès aux personnes qui souffrent dans les zones de conflits armés afin de leur prêter assistance", assure-t-il.

Mécontentement

Le mouvement contestataire du M5-RPM n’est pas satisfait de la composition du Conseil national de transition et il le fait savoir. Le M5-RPM réclame aux militaires au pouvoir de signer – je cite – un "accord de Collaboration clair et sincère pour réussir une transition de rupture et de refondation d’un Mali Nouveau (Mali Koura) en lieu et place de la transition de continuité en cours". C’est ce qui ressort d’un courrier signé de Choguel Maïga en date du 16 novembre, adressé à Assimi Goïta et publié ce jeudi (26.11.2020) dans la presse malienne (journal Le Républicain).

Choguel Maiga (à g.) réclame aux militaires de passer un accord avec le M5-RPMImage : Getty Images/AFP/M. Cattani

Christian Klatt, de la Fondation Friedrich Ebert, note par ailleurs que la confédération de syndicats UNTM (Union nationale des travailleurs du Mali) a déjà lancé une grève en novembre pour protester contre cette militarisation de l'exécutif et qu'il appelle de nouveau à protester en décembre.

Les plus optimistes rappellent que dans moins de dix-huit mois, un nouveau président et une nouvelle assemblée devraient être élus au Mali. Et que le nouveau pouvoir en place aura alors toute licence de remplacer ces gouverneurs par des civils.

En attendant, le Conseil supérieur de défense prévu aujourd'hui a dû être reporté pour raisons sanitaires après la découverte d'un "foyer de Covid-19" à la présidence.

 

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