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Economie

Tchad : où est passé l'argent du pétrole ?

Guillaume Bernard
1 décembre 2017

À Koundoul, les agriculteurs n'ont aucunement constaté une amélioration de leurs conditions de travail grâce à l'argent du pétrole, bien au contraire.

Tschad Öl
Image : Desirey Minkoh/AFP/Getty Images

Le président Idriss Deby Itno a récemment demandé aux Tchadiens de repartir à zéro, à la période avant 2003, avant l'exploitation du pétrole. Idriss Deby a ainsi signifié qu'il n'était plus possible de compter sur les ressources du pétrole. Des propos qui ont choqué les Tchadiens et les syndicalistes qui ont immédiatement réagi. Pour eux les investissements réalisés grâce à la manne pétrolière ne sont pas beaucoup visibles. C'est le cas par exemple à Koundoul, une localité située à 25 Kilomètres au sud de N'Djamena, la capitale.

Image : DW/G. Bernard

Ici, à l'évidence, les techniques agricoles n'ont pas été modernisées depuis longtemps. Emmanuel Gounga est agriculteur aux abords du fleuve Chari. Cette année, son champ de sorgho n'a pas produit à cause du tracteur, trop vieux, inutilisable pour labourer, et aussi à cause de manque d'intrants. "L'impact du pétrole, personnellement, je n'en ai pas bénéficié. Ailleurs les gens en ont peut-être bénéficié, mais ici nous travaillons uniquement avec notre force. On n'a pas vu l'appui du gouvernement. Je manque de tuyau pour tirer l'eau et arroser", raconte Emmanuel. Pour s'en sortir financièrement, il est obligé de produire des légumes qu'il va revendre.

Investissements inadéquats

A un kilomètre de là, Pauline Noumala est mère de sept enfants et n'a que l'agriculture pour survivre avec sa famille. Elle puise l'eau dans un marigot à moitié sec, à l'aide de deux bidons pour arroser sa parcelle. Pour elle non plus, l'argent du pétrole n'est pas passé par ici. "L'eau de pluie a tari. Et là c'est une perte. Les semences nous les achetons, les engrais ne sont pas subventionnés puisque nous les achetons aussi. Nous n'avons pas de soutien. C'est vraiment une souffrance", assure cette agricultrice. Pour Samgolsou Edouard, les produits de sa récolte remplacent le pétrole. "Il n'y a aucun impact positif du pétrole. Les femmes sont allées jusqu'à N'Djamena dans le cadre de formations en groupement mais ça n'a rien donné", explique-t-il. "Il n'y a que le gombo qui est notre pétrole ici." Des investissements auraient en fait bien été effectués par le gouvernement Tchadien mais rien n'a été amélioré, selon les spécialistes. 

Image : DW/G. Bernard
Image : DW/G. Bernard

"La situation de vie du Tchadien n'a pas suffisamment changé", explique par exemple Morom Malodie, économiste des investissements. "Ces secteurs ne sont pas toujours accompagnés". Pour lui, la population est toujours abandonnée. "On voit des machines sans maintenance qui ne sont même pas adaptées au terrain. C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu une étude de faisabilité avant de monter ces machines", explique Morom Malodie. Un autre analyste politique explique qu'Idriss Deby Itno vient "de mettre de l'huile sur le feu" et qu'il doit désormais en assumer les conséquences.