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Boko Haram, une nébuleuse

10 février 2012

L'Afrique à travers la presse allemande, c'est d'abord le Nigeria. Et il est encore question de Boko Haram. Le groupe islamiste a revendiqué l'attaque de mardi dernier contre l'armée à Kaduna dans le nord du pays.

Attentat à Kano, 20 janvier 2012Image : Reuters

Il n'y aurait pas eu de victime, hormis le kamikaze. Et pourtant, pour die Tageszeitung, Boko Haram a de nouveau réussi son coup. La circulation automobile est embouteillée sur des kilomètres. La peur est grande. Cela fait des années que la police nigérianne n'a plus été aussi présente dans les rues. Dans de nombreuses villes du nord musulman, des contrôles de sécurité sont effectués toutes les quelques centaines de mètres. La circulation ne se fait plus que sur une file, chaque voiture doit s'arrêter. Les motocyclistes doivent descendre et pousser leur engin.

De telles mesures, poursuit le journal, ne produisent qu'un seul résultat : la colère des gens. Car pas une seule voiture n'est fouillée, pas un seul occupant sérieusement contrôlé. Mais poursuit le journal, bien que le groupe terroriste Boko Haram soit plus présent que jamais, et cherche à capter l'attention par ses attaques, il tourne de plus en plus au spectre. Comme le souligne Hussaini Abdu, directeur pour le Nigeria de l'organisation humanitaire Action Aid, il faudrait d'abord que les forces de sécurité comprennent à qui elles ont vraiment à faire avec Boko Haram. L'authenticité des revendications et messages signés Boko Haram est invérifiable.

Une ferme en Afrique du SudImage : DW

Des fermiers blancs comme cibles

La presse allemande emmène aussi ses lecteurs en Afrique du Sud. Semaine après semaine, des fermiers blancs sont brutalement agressés par des noirs. Cette vague de violence inspire un long article à l'hebdomadaire Die Zeit. Il rappelle notamment que depuis 1991, depuis le début des réformes démocratiques qui ont scellé la fin de l'apartheid, plus de 3.000 personnes ont été assassinées dans des fermes en Afrique du Sud. Parmi les victimes figurent des ouvriers agricoles noirs, des employés de maison, mais surtout des fermiers blancs, près de 1.900 au total.

Les statistiques, note le journal, sont néanmoins contestées, elles émanent de Agri SA, la fédération des fermiers commerciaux. Le ministère de la Police parle d'un nombre moins élevé de victimes mais refuse de fournir des renseignements plus précis. Ce qui est certain poursuit le journal, c'est qu'au cours des vingt dernières années, il y a eu plus de 12.000 agressions dans des fermes. Conséquence : beaucoup de fermiers ne supportent plus cette menace permanente et jettent l'éponge. Il y a 20 ans, il y avait encore 62.000 fermes en Afrique du Sud. Il n'y en a plus aujourd'hui que 40.000.

Die Zeit évoque plus loin les propos foncièrement racistes de certains fermiers blancs, il évoque aussi les discours incendiaires prononcés contre les blancs par Julius Malema, le président de la ligue de la jeunesse de l'ANC. Beaucoup de Boers en retirent la conviction qu'il s'agit d'une campagne d'expulsion organisée contre eux dans les plus hautes sphères de l'État, une obscure théorie du complot car l'attitude du gouvernement est à des lieues de celle du jeune populiste. Mais, souligne die Zeit, Malema lui-même serait capable d'un tel plan. Il éveille la peur primitive des blancs en Afrique, la peur de la vengeance des noirs.

Dans le camp de réfugiés de Dadaab, Kenya, août 2011Image : picture alliance/dpa

D'une famine à l'autre

La famine dans la Corne de l'Afrique a capté pendant plusieurs semaines l'attention des médias. Les Nations unies ont déclaré qu'elle était terminée. Mais la presse allemande relève que la prochaine catastrophe s'annonce déjà dans le Sahel. Mourir de faim en Afrique, écrit la Süddeutsche Zeitung, c'est souvent mourir d'une mort lente. Des bébés aussi peuvent lutter pendant des mois contre la mort. Car la quantité de nourriture disponible dépend de nombreux facteurs : la dernière saison des pluies, la spéculation mondiale sur les prix des denrées alimentaires, la présence d'hommes armés de kalachnikovs qui laissent passer ou non les sacs de mil en provenance de l'étranger.

Les mères sont celles qui connaissent le mieux les symptômes de la faim chez leurs enfants, poursuit le journal. Mais, aussi cynique que cela puisse sembler, pour les organisations humanitaires la faim est aussi une grandeur statistique. Les Nations unies déclarent l'état de famine lorsque plus de deux adultes sur 10.000 et plus de quatre enfants sur 10.000 meurent chaque jour de faim. En règle générale, il est alors déjà trop tard. Les systèmes d'alerte précoce par satellite ont failli, la communauté internationale, malgré CNN et internet a été mobilisée trop tard.

Les organisations humanitaires ont apparemment tiré des leçons de cette catastrophe. Car elles tentent actuellement d'empêcher dans une autre région d'Afrique une répétition du scénario qui s'est joué l'an passé dans la Corne de l'Afrique. Elles sonnent l'alarme dès maintenant. Plus de dix millions de personnes au Niger, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali, au Tchad et dans le nord du Nigeria sont menacées de famine.

Un avion du Programme alimentaire mondial à MogadiscioImage : AP

L'industrie de l'aide alimentaire

Mais pour secourir les victimes de la famine, il faut mettre en place une énorme logistique et, comme le constate un journal allemand, l'aide aux affamés est aujourd'hui une industrie. C'est une industrie moderne, écrit Die Welt, avec ses gigantesques entrepôts, ses délais de livraison serrés, ses risques incalculables. Dans l'est de l'Afrique, Nairobi est aujourd'hui l'une des grandes plaques tournantes de cette industrie. Pour empêcher, ou au moins atténuer une catastrophe humanitaire, les dons publics et privés sont nécessaires, mais ils sont de loin insuffisants.

L'aide humanitaire a besoin d'entreprises qui fabriquent des produits comme des couvertures et de la vaisselle, qui les stockent, qui les revendent et qui les transportent. C'est un commerce comme un autre, mais quand même pas tout à fait, souligne Die Welt. Il obéit à la même règle, celle de l'offre et de la demande. Mais au bout du compte ce sont des vies humaines qui sont en jeu. C'est marcher en permanence sur une corde raide entre profit et altruisme.

Auteur : Marie-Ange Pioerron
Édition : Fréjus Quenum