"Des criminels s'attaquent aux religions au Burkina Faso "
27 février 2024Le week-end dernier, au Burkina Faso, plusieurs dizaines de civils ont été tués dans des lieux de culte catholique et musulman, dans des attaques coordonnées.
"Pourquoi ?"
"Pourquoi eux ? Que voulaient les assaillants ?" Ce sont des questions que se posent aujourd’hui encore les habitants de l’évêché de Dori, dans le nord du pays.
Dimanche (25.02.2024), des hommes armés ont fait irruption dans l’église d’Essakane durant l’office.
L’évêque de Dori, monseigneur Laurent Dabiré, confirme que douze personnes ont été tuées sur place.
"Les assaillants ont préparé leur attaque puisqu’ils se sont renseignés auprès de gens pour savoir où était l’église. On a pensé que c’était des gens venus aussi pour prier."
Cinq personnes ont été blessées, parmi lesquelles, le curé qui célébrait la messe. Elles ont été transférées à l’hôpital de Gorom. Trois d’entre elles sont décédées de leurs blessures.
Essakane déjà prise pour cible
Ce n’est pas la première fois qu’Essakane, qui se trouve dans une région productrice d’or située non loin de la frontière avec le Niger, est ciblée par des terroristes.
En 2018 et 2019 déjà, de nombreuses personnes ont fui les violences, dont le catéchiste titulaire qui avait dû se mettre à l'abri. "A l’époque déjà, les terroristes ciblaient les responsables religieux, coutumiers et administratifs", se souvient l’évêque de Dori.
"Il est difficile de dire pourquoi les terroristes s’en prennent aux religieux. Mais on peut penser qu’en s’attaquant aux musulmans, aux catholiques et peut-être bien à des fidèles d’autres religions, ils veulent semer la confusion et espèrent provoquer des affrontements. […] Cette situation crée la confusion et peut laisser croire que nous sommes en présence d’une guerre interreligieuse mais ce sont des criminels qui s’attaquent à toutes les religions et non les religions que se battent entre elles."
Maintenir le lien entre les communautés
Maintenir le dialogue et la paix entre les communautés, c’est l’objectif que s’est assigné l’Union fraternelle des croyants (UFC). François Paul Ramde, économiste de développement, est le coordinateur de cette ONG interreligieuse à Dori. Il confirme que la population de la région est "écœurée".
"Que ça soit dans des églises ou des mosquées, des drames pareils prouvent encore que les religions sont utilisées comme des éléments mobilisateurs, surtout pour les ignorants. Parce que pour moi, quelqu’un qui veut vraiment travailler pour Dieu ne peut pas semer la mort.[…] Loin d’être religieuse, cette guerre-là revêt d’autres intérêts."
Dans la région de l’Est, à Natiaboani, des dizaines de musulmans ont été tués durant la prière dimanche. Là aussi, les fidèles craignent désormais de se rendre dans les lieux de culte.
La Fédération des associations islamiques du Burkina Faso (FAIB) a condamné des attaques "ignobles et lâches" perpétrées par des terroristes "sans foi ni loi".
Les responsables religieux, ainsi que les responsables coutumiers des localités éprouvées, où des Volontaires pour la patrie (VDP) et des soldats de l’armée ont eux aussi essuyé des tirs à l’arme automatique, appellent leurs concitoyens à ne pas se laisser entraîner dans une spirale de représailles.