La controversée immersion patriotique obligatoire au Burkina
14 août 2025
Pendant un mois, les bacheliers doivent suivre une immersion patriotique pour assimiler les valeurs prônées par les militaires au pouvoir sous le capitaine Ibrahim Traoré. Obligatoire pour tous les admis au baccalauréat 2025, elle donne droit à une attestation nécessaire à l’inscription universitaire.
Seules les filles enceintes ou allaitant un bébé de moins de deux ans bénéficient d’une dérogation. Des sanctions sont prévues pour les absents.
Le professeur Alpha Amadou Bano Barry, ancien ministre conseiller en Guinée, rappelle que cette pratique existait déjà sous le régime populaire et communiste de Sékou Touré. Selon lui, il s’agit d’un recyclage d’anciennes méthodes, susceptible de nourrir un sentiment d’injustice. Écoutez son interview en cliquant sur l’image ci-dessus.
Alpha Amadou Bano Barry : C'est une recyclage d'une idée très ancienne qui a déjà été expérimentée dans un certain nombre de pays. En fait, elle n'est pas originale. La première expérience d'amener les étudiants, les cadres en campagne date de la révolution chinoise, du temps de Mao, la Grande Marche, qui a en fait laissé le pays exsangue parce que tout simplement, on a pris des gens qui étaient déjà habitués à un mode de vie pour les envoyer dans un environnement qui était totalement différent…
DW : … hostile.
Et en fait, ça n'a rien réglé. Ça a créé simplement un traumatisme, puisque le régime chinois est un régime à une forte base militaire. En réalité, les gens n'ont pas pu remettre en question.
La deuxième expérience, à ma connaissance, de ce modèle, a été expérimentée en Guinée. Je me rappelle que j'étais au lycée et j'étais à Gaoua, dans une préfecture qui se trouve dans le nord de la Guinée. A Gaoual, ce sont des magistrats, la classe des magistrats qui étaient en fin de cycle, qui avaient été envoyés. Parmi eux, il y avait des gens qui étaient très célèbres. Et donc les étudiants devaient cultiver pendant une année, être en contact avec le peuple, revenir à la Terre, à la Source, avant de revenir à Conakry.
DW : Mais c'était aussi une sorte de sanction.
En fait, si vous voulez, c'est plutôt des gens qui étaient dans l'entourage du pouvoir et qui étaient, disons, dans des lectures de documents produits à l'étranger, comme aujourd'hui, qu’ils copient.
DW : Au Burkina Faso, on parle aussi d'inculquer les valeurs de l’autorité militaire à ces bacheliers-là, on parle de 60 mille bacheliers.
Alors d'abord, ils iront dans quelques localités et pas dans toutes les localités. Sur la base de ce que l'on sait de l'insécurité au Burkina, il y a probablement des régions où il n'y aura aucun.
Deuxièmement, ceux qui vont avoir des privilèges, qui ont des relations, partiront probablement dans la banlieue de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso ; on va dire que c'est la campagne, alors qu'en réalité c'est la haute banlieue de ces localités.
Ça va créer simplement un sentiment d'injustice entre les bacheliers qui ne seront pas placés dans la même situation. Ils risquent de se retrouver dans une situation de mécontentement, avec des rancœurs qui vont se développer.