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Cameroun: dialogue national sur fond de contestation

Eric Topona | Dirke Köpp
30 septembre 2019

Le "grand dialogue national" convoqué par le président Paul Biya s'ouvre ce lundi (26 septembre) à Yaoundé. Il devrait permettre aux Camerounais de discuter de la crise dans les deux provinces anglophones du pays.

Präsidentschaftswahl in Kamerun Christian Wiyghan Tum
Image : DW/F. Muvunyi

"Il faut que les armes se taisent" (cardinal Christian Tumi)

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Les assises dirigées par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute vont se déroulé du 30 septembre au 4 octobre 2019. But recherché : mettre un terme à la crise qui sévit dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, où vivent près de 16% de la minorité anglophone du Cameroun.

"Après avoir reçu des gens depuis deux semaines" en préparation de ce dialogue "je ne peux qu'être optimiste, car je pense que 99% des Camerounais veulent la paix", a affirmé dimanche devant la presse, le Premier ministre.

Manque d’unanimité

Dès l’annonce de la tenue de ce dialogue, début septembre, les autorités de Yaoundé ont dépêché plusieurs missions dans le but de convaincre la diaspora camerounaise de participer à cette rencontre.

Jean-Robert Wanko, le représentant en Europe du Social democratic front, le parti de l’opposant historique John Fru Ndi, approuve l’organisation de ce dialogue. Cependant, il souhaite qu’il soit inclusif et aborde tous les sujets de préoccupation.

Jean-Robert Wanko : "le SDF-Allemagne souhaite une concertation avec tous les acteurs de la vie publique".

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"Le SDF Allemagne souhaite qu’une concertation ait lieu avec les autres acteurs des milieux politiques, économiques, académiques et sociaux-culturels pour proposer et débattre des problèmes de la double nationalité, la suppression des frais de visa, définir un cadre juridico-administratif pour permettre à la diaspora d’investir au Cameroun. Il faut améliorer les services consulaires. Nous souhaitons que la diaspora soit représentée dans les institutions, qu’il y ait des parlementaires de la diaspora dans les deux chambres du Parlement. Et nous demandons surtout la création d’un ministère chargé des Camerounais de l’extérieur", suggère Jean-Robert Wanko.

Boycott

Le gouvernement camerounais a invité à ce grand dialogue national 16 leaders sécessionnistes en exil. Une majorité d’entre eux a refusé, ceux-ci craignant pour leur sécurité.

Mark Bareta, une des figures de la sécession très actif sur les réseaux sociaux a annoncé qu’il n’allait pas participer à ce dialogue. "La seule façon de mener de véritables négociations était de le faire sur un terrain neutre" se justifie-il.

D’autres leaders de la contestation anglophone, parmi les seize invités au dialogue, tels Ebenezer Akwanga et Cho Ayaba, ont eux aussi annoncé leur non-participation aux assises.

Le président Paul Biya fait preuve d’une mauvaise foi, réagit pour sa part Tene Sop, chercheur au Max Planck institute for evolutionary anthropology à Leipzig et à l'université de Hambourg en Allemagne, par ailleurs, secrétaire aux affaires politiques de la Cameroon patriotic diaspora.

Samuel Ikome Sako, le président par intérim de la République autoproclamée d'Ambazonie.Image : Privat

"Je n'ai reçu aucune invitation. Et même si cela avait été le cas, je ne participerais jamais à un dialogue organisé par Paul Biya et son régime, sans médiation internationale", a déclaré à la DW le président par intérim de la République autoproclamée d'Ambazonie, Samuel Ikome Sako qui vit en exil aux Etats-Unis.

"Vous ne pouvez pas inviter des sécessionnistes, contre qui vous avez lancé des mandats d’arrêts qui n’ont pas été levés, à venir s’asseoir à la table de négociation sans aucune garantie de sécurité. C’est un piège à rat. Si le régime veut dialoguer avec les sécessionnistes, ils sont en ce moment en détention à Yaoundé. Il n’a qu’à les libérer et les inviter au dialogue. Et on verra sa bonne foi. C’est un dialogue qui va accoucher d’une souris", prévient-il.

Tene Sop : "c’est un dialogue qui va accoucher d’une souris"

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Espoir

L'annonce de la tenue de ce dialogue a toutefois suscité l'espoir d'anglophones jugés plus modérés. À l’exemple de l'influent archevêque de Douala, le cardinal Christian Tumi. Début septembre, il avait salué l'initiative du président camerounais Paul Biya et a supplié les séparatistes d'y participer.

Revendications

C’est depuis fin 2016 que les deux provinces anglophones du Cameroun sont secouées par un conflit armé. À l’origine, une grève des avocats qui revendiquaient l’application du droit anglais (common law) dans le système juridique et judiciaire du Cameroun. Ces revendications corporatistes se sont muées en revendications sociales des populations qui s’estiment marginalisées par rapport aux huit autres régions francophones.


Conséquence : des groupes armés se sont créée et revendiquent ouvertement la partition du pays et la création de la République autoproclamée d'Ambazonie, (qui regroupe les deux provinces anglophones du Cameroun). Alors que certains anglophones exigent le retour au fédéralisme comme ce fut le cas au début des années 60.

Bilan meurtrier

Dans un rapport publié mercredi (25 septembre), l'International Crisis Group (ICG) chiffre à 3.000, le nombre de victimes des affrontements entre les sécessionnistes et les forces armées.

Selon l'ONU, plus de 530.000 personnes ont fuit les affrontements.

Par ailleurs, le 20 août 2019, Julius Ayuk Tabe et neuf de ses partisans sont condamnés à la prison à vie pour "terrorisme" et "sécession".