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Cameroun : la crise anglophone en débat en France

5 mars 2021

Cela fait plus de cinq ans que la crise anglophone dure et continue de susciter des préoccupations aussi bien dans le pays qu’en dehors de ses frontières.

KamerunMilitaire camerounais à Buea en zone anglophone
Militaire camerounais à Buea en zone anglophoneImage : Getty Images/AFP/M. Longari

Ce mardi 2 mars, lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale française, le député indépendant de Haute-Garonne, Sébastien Nadot, a posé une question directe au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à propos du rôle de la France qu’il accuse de soutenir le régime dictatorial en place. Pour lui, il y a lieu de revoir le comportement de la France sur le continent africain.

"Au Cameroun, il y a une dictature, il y a des massacres, c’est factuel. Alors me répondre que mes propos sont contre la France quand je demande d’agir pour que ces massacres cessent, c’est du niveau de Staline avec ses opposants politiques" , martèle le député tout en poursuivant  "le déni postcolonial français est très inquiétant et ces vieilles méthodes de la Françafrique nous mènent dans le mur vis à vis de l’Afrique et l’Europe avec, c’est très grave. Puisque pour des raisons historiques et géographiques, depuis le Brexit, la France est la première porte d’entrée de l’Union européenne sur le continent africain. Se soucier de ce comportement français en Afrique, c’est une question éminemment européenne aujourd’hui", estime Sébastien Nadot.

Même questionnement du côté allemand. Sébastien Nadot n’est en effet pas le seul député à s’intéresser de près au contexte sécuritaire déliquescent au Cameroun.

Le député allemand Christoph Hoffmann du parti libéral FDP a lui aussi récemment mis en exergue la situation qui prévaut au Cameroun en posant la question à Heiko Maas, le ministre allemand des Affaires étrangères. "Prenons le Cameroun : le président a manipulé les élections, incendié 300 villages, laissant brûler des enfants de quatre ans, des centaines de milliers de personnes ont dû prendre la fuite. A 88 ans, le président Biya est au pouvoir depuis 38 ans. Qu’en est-il dans ce cas précis du travail sur le passé colonial de l’Allemagne, monsieur Maas ? Ni pour la chancelière ni pour vous, cela ne semble être un sujet important. Est-ce ainsi que nous comptons gagner les cœurs des jeunes en Afrique ?", interroge Mr Hoffmann.

Lire aussi → Crise anglophone : ne pas se taire pour l'avenir des enfants

L'armée camerounaise prête à en découdre avec les séparatistes anglophonesImage : picture-alliance/AP Photo/S. Alamba

Gagner le cœur des jeunes en Afrique et surtout au Cameroun reste à ce jour une vaste tâche étant donné la situation qui prévaut sur le terrain comme le rappelle Maxime Bissay, le président de l'ACAT-Cameroun et chef de file de la Maison des droits de l'homme du Cameroun. "Depuis le début de la crise anglophone en 2016, le Cameroun a connu une recrudescence des violations des droits humains et une fermeture significative de l’espace civil et politique pour ceux qui prônent le dialogue et le respect de l’état de droit. Le gouvernement a enfermé des journalistes et des opposants politiques pour s’être prononcés contre la gestion des conflits dans le pays, notamment lors de l’élection présidentielle controversée de 2018", s’offusque le défenseur des droits de l’homme.

Il y a quelques semaines, Rebecca Tinsley, fondatrice de Network for Africa et auteure du roman "When the Stars Fall to Earth" a rédigé une tribune dans laquelle elle attirait l'attention sur la dégradation des droits de l'homme au Cameroun. Pour avoir travaillé pendant plusieurs années au Rwanda, elle attire l'attention sur les similitudes et les signes avant-coureurs qu'elle a pu observer à l'époque aux pays des mille collines.

"J’ai passé les dix-sept dernières années au Rwanda où j’ai travaillé avec les survivants du génocide et malheureusement je vois des similitudes avec ce qui se passe dans la région anglophone du Cameroun. Dans le cas du Rwanda, le gouvernement français était complice, il a œuvré dans la préparation du génocide, tout en jouant un rôle dans ce même génocide", alerte Mme Tinsley.

"Au Cameroun, le gouvernement français est également complice en maintenant un régime corrompu au pouvoir, ce même régime qui persécute les populations dans la région anglophone qui représente 20% de la population. J’ai écrit ma tribune parce que je voudrais attirer l’attention sur le rôle de la France qui supporte le président Biya au Cameroun. La France lui apporte son soutien parce qu’elle a des intérêts aussi bien économiques que militaires mais aussi parce que ses intérêts seront mieux protégés si le Cameroun est sécurisé", estime l'activiste tout en poursuivant sur le rôle que pourrait jouer la France.

Que peut faire la France ?

"La France est en mesure d’apporter de la pression au niveau diplomatique sur le gouvernement camerounais pour travailler sur la pacification du pays et trouver une nouvelle voie au niveau constitutionnel qui pourrait convenir à tout le monde : aux anglophones et aux francophones. Et si la pression diplomatique ne fonctionne pas, alors la France peut travailler sur un régime de sanctions visant des individus impliqués dans les abus des droits de l’homme", conclut Rebecca Tinsley.

"Le gouvernement  français est complice" (Rebecca Tinsley, activiste)

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Vendredi dernier (26.03.2021), Human Rights Watch a publié un rapport dans lequel l’ONG accuse l'armée camerounaise de nouvelles exactions sur des civils en zone anglophone.

L’ONG rappelle qu’en 2020, les groupes armés et les forces gouvernementales ont commis des atteintes aux droits de l’homme, y compris des exécutions extrajudiciaires ou sommaires et des massacres à travers les régions anglophones du pays.