Cameroun : la double nationalité exclut des candidats
2 décembre 2020La question de la double nationalité n’agitait pas trop l’opinion publique jusque-là. Mais depuis que certains candidats célèbres tels que l’homme d’affaires Alphonse Joseph Bibehe ont été écartés des prochaines élections régionales, et avant lui Hervé Emmanuel Nkom aux législatives de février, le sujet est devenu polémique.
Application discriminatoire de la loi
Pour Marlyse Bell, ancienne députée du parti au pouvoir, les personnalités qui ont été pénalisées du fait de leur double nationalité n’ont pourtant pas à s’en étonner :
"Je n'appellerais pas ça exclusion politique. Puisque pour l'instant, la règle n’autorise pas de faire autrement. Parce qu'il y a deux choses : il y a ce qu’on souhaiterait voir arriver et ce qui est actuellement. La vérité, c'est que la loi de notre pays n'autorise pas, ne permet pas aux personnalités ayant une autre nationalité que la nationalité camerounaise de présenter leurs candidatures à des postes électifs."
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Une loi dont l’application serait discriminatoire puisque de nombreux responsables politiques possèdent la double nationalité et n’ont pourtant jamais été inquiétés.
L’exemple de l'ancien ministre de la recherche scientifique Henri Hogbe Nlend est souvent cité. Celui-ci est Français, il a une épouse française et il a non seulement été candidat à l’élection présidentielle de 1997 mais il fut félicité par le président Paul Biya pour être arrivé en deuxième position.
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Double nationalité pour des membres du gouvernement
L’actuelle ministre de l’urbanisme, Ketcha Courtès, anciennement maire de Bangangté, possède également la nationalité française. Elle a d’ailleurs été prise à partie, le 11 octobre, par des activistes camerounais dans une église parisienne.
Plusieurs autres membres du gouvernement auraient une double nationalité sans que cela ne nuise à leur carrière politique.
Selon l’ancien joueur des Lions indomptables et aujourd’hui militant politique, Joseph Antoine Bell, dont la candidature a été refusée par la hiérarchie de son parti, le RDPC au pouvoir, c’est un paradoxe d’exclure du jeu politique certaines personnalités pour leur double nationalité et en laisser d’autres dans la course :
"Ces derniers temps, l’exacerbation de la mesquinerie, de l’absence de fair-play, peut-être de la jalousie, et puis aussi la polarisation de la vie politique a pu conduire à cette situation absolument ubuesque."
Pour Joseph Antoine Bell, la nationalité d'un individu qui produit son certificat de nationalité ou sa carte d’identité camerounaise se conteste devant un tribunal et non sur les réseaux sociaux. Il ajoute que beaucoup de personnes sont exclues du jeu politique sur la base de simples présomptions :
"Je ne vais pas commenter la rumeur. En revanche, quand vous citez des cas spécifiques, et c’est ça le problème, que ce soit ceux qui agissent pour ou qui agissent contre, il faut savoir se conformer à l’exigence administrative."
La double nationalité apparaîtrait donc au Cameroun comme un argument d’épuration politique, même si elle contribue à la mobilité et au rayonnement international des personnes concernées.