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"La plus grande richesse n'est pas l'or mais l'humain"

Jean-Fernand Koena
28 septembre 2022

Interview avec le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga qui déplore les discours de haine en Centrafrique. Il appelle à miser davantage sur l'éducation.

Tiré du film SÍRÍRÍ : cardinal Dieudonné Nzapalainga dans une rue de Centrafrique
Le cardinal Dieudonné Nzapalainga prône avant tout le dialogue entre les communautés et l'éducationImage : Manuel von Stürler

La montée des discours de haine en Centrafrique fragilise la cohésion sociale. Ces discours agressifs n'épargnent d'ailleurs pas l'Eglise depuis que celle-ci s'est montrée réservée face au projet de réforme constitutionnelle soutenue par le président Faustin Archange Touadéra.

Des critiques que rejette le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga. Il appelle à la retenue dans les actes et les propos. Il présente aussi un tableau critique de l'éducation dans son pays et souhaite un investissement accru dans ce secteur.

Ecoutez ci-dessous l'entretien avec le cardinal Dieudonné Nzapalaïnga, au micro de notre correspondant Jean-Fernand Koena

DW : Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga, bonjour.

Bonjour.

DW : La Centrafrique renoue avec les discours de haine et la société est plus que jamais divisée. Est-ce que cette situation vous inquiète?

En tant que Centrafricain, il est normal que je sois inquiété comme les autres car ce pays est l'unique pays qui nous a vu naître, que nous aimons et nous devons préserver, pour ne pas dire nous devons être jaloux pour que les fils de ce pays se retrouvent ensemble.

Or, quand nous entendons les discours qui tendent à diviser pour qu'il y ait révolte, pour qu'il y ait conflit, je suis inquiet.

Interview avec le cardinal Nzapalaïnga

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Et les germes des paroles, des gestes que certains posent, ils ne se rendent pas compte. Ce sont ces germes-là qui peuvent provoquer et préparer demain un conflit, demain une guerre. Moi, j'aimerais que nous puissions avoir ce que j'appelle un sursaut patriotique, un dialogue pour construire et pour trouver un consensus, pour qu'il y ait des compromis, un dialogue où les uns les autres sont estimés, respectés et il y aura un résultat qui va construire ce pays.

DW : Un sursaut patriotique alors que ces discours de haine n'épargnent pas aujourd'hui l'Église catholique que certains qualifient comme étant "en dérapage".

Je tiens simplement à signaler que l'Église est une sensibilité dans ce pays et l'Église, comme une entité, une sensibilité, apporte sa contribution à l'édification. A la fois, elle a une autorité morale et spirituelle.  Aussi, elle veille et elle invite à se situer au-dessus.

Certains restent au-dehors pour des intérêts, ou bien encore les guéguerres politiciennes. Ils disent que dérapage? Non, je ne pense pas. l'Église est dans son rôle pour prendre le dessus au moment favorable, pour rebondir, pour dire à ses enfants que le chemin pris n'est pas le bon.

Certains, peut être, voulaient confondre l'Église avec des ONG ou bien encore des sensibilités comme les autres ? Non, elle a toute une histoire de 2000 ans derrière elle. Nous savons que les hommes, les femmes sont passés et l'Église reste toujours.

L'Église reste, en d'autres termes, Dieu va rester et nous, nous allons passer. Attention de ne pas être embarqué à ce que j'appelle la passion pour être parfois déraisonnables, impulsifs.

DW : Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a parlé de l'école en disant qu'au niveau de l'Afrique, les gens ont de la peine aujourd'hui à aller de l'avant à travers les études. Au regard de la situation en République centrafricaine, vous vous posez quel tableau aujourd'hui?

Si on regarde bien, on fait partie des derniers des derniers. Je mesure bien mes mots. J'ai sillonné ce pays. J'ai vu la déliquescence, la dégradation dans laquelle se trouvent nos infrastructures. Parfois, il n'y a même pas d'école.

S'il y avait une priorité, outre la sécurité, ce serait l'éducation. La meilleure richesse n'est pas l'or. On ne brandit ni les diamants et autres. C'est plutôt l'être humain, c'est l'homme, la meilleure richesse. Voilà pourquoi, je dis qu'on doit le former, le préparer.

DW : La justice qui va mal. La preuve aujourd'hui, les avocats sont en grève, ils désertent le prétoire. Quelle analyse faites-vous de cette situation et quel est votre appel aujourd'hui au gouvernement et aux avocats pour l'apaisement de la situation?

Dans ce pays, j'ai connu ce qu'on appelle anarchie. Il y avait beaucoup de généraux, il y avait beaucoup de colonels, de maires, de préfets, de sous-préfets autoproclamés, sans formation.

Moi, je veux dire nul n'est au-dessus de la loi. Si nous voulons vivre en société, il nous faut accepter une loi qui soit au-dessus de nous tous et nous devons nous y conformer.

Si la justice, elle, n'est plus au-dessus et qu'elle devient un instrument entre les mains de gens, ou bien encore qu'elle est manipulée, eh bien, il y aura des préjudices, il y aura des sentiments de rejet et je ne le souhaite pas pour mon pays.

Je souhaite à ce que nous revenions à des bons sentiments que nous disons tous que la justice a une indépendance et qu'elle est pour tout le monde, que tout le monde peut passer par là. Que tout le monde peut aussi faire recours, le faible comme le riche.

Aujourd'hui, quand nous entendons dire que ceux qui sont comme les agents de la justice expriment leur inquiétude, leur peur, parce qu'ils ont l'impression de ne pas exercer. Nous en appelons à la prise de conscience pour que la peur ne soit pas l'instrument utilisé pour pouvoir empêcher les gens de dire la loi, de dire la justice.

Bien au contraire : un pays qui se respecte, c'est un pays où tout le monde est sujet à la loi. Et j'en appelle pour que nous puissions respecter non seulement la justice, les hommes, les femmes qui sont là, qui incarnent aussi la justice, et nous leur demandons de dire la loi.

DW : Cardinal Dieudonné Nzapalainga, je vous remercie.

Je vous remercie.

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