En RCA, les victimes du régime Bozizé témoignent
28 juin 2024La Cour pénale spéciale a lancé, en avril dernier, un mandat d’arrêt international contre l’ancien président centrafricain François Bozizé. La CPS a demandé à la Guinée Bissau, où François Bozizé est en exil, à coopérer pour l’arrêter. Mais les autorités guinéennes ont refusé de satisfaire cette demande.
François Bozizé, lorsqu’il était président de la République, a transformé le camp militaire de Bossembelé, situé au nord de la capitale Bangui, en une terrible prison dans laquelle il faisait torturer ses opposants.
Accusé de crimes contre l’humanité
L’ancien président centrafricain, en exil depuis 2013, d’abord au Cameroun, au Tchad puis en Guinée Bissau, est accusé par la Cour pénale spéciale de « responsabilité pour des crimes contre l’humanité », prétendument commis entre février 2009 et le 23 mars 2013 par la garde présidentielle et par d’autres services de sécurité.
"D’après donc des enquêtes à l’instruction, les juges ont collecté des éléments de preuves allant dans le sens de l'inculper de crimes graves et c’est pour cette raison qu’un mandat d’arrêt est lancé au niveau de la métropole, mais aussi auprès du pays où il se trouve maintenant, afin que tous les moyens soient mis en œuvre pour que ce monsieur soit appréhendé et qu’il soit présenté à la justice, précisément à la Cour pénale spéciale pour des faits graves contre sa personne", a expliqué Gervais Bodagaye Laoulé, chargé de communication de la CPS.
Mais les autorités bissau-guinéennes refusent d’accéder à cette demande. A Bangui, la colère monte donc chez les victimes, à l’exemple de Maximilien Proson qui a survécu à son internement dans la prison de Bossembelé.
"C’était au moment de l’incendie du supermarché Rayan. Nous qui sommes des responsables des services, on était déjà là tôt, avant que les autres n’arrivent. Peu après, les commandos de la gendarmerie sont arrivés et nous ont sommés de sortir de notre bureau. Il y a un qui nous a interpellés, le commandant Kossi, pour nous dire que nous étions en état d’arrestation pour nécessité d’enquête. On était quatre, dont une femme et trois hommes. On nous a transférés à la Section de recherches et d’investigation. Là-bas, sans audition, on a passé trois jours et à la quatrième journée, on nous a transférés à Bossembélé. C’était la nuit, c’était aux environs de minuit.°
Débute alors un calvaire pour Maximilien et ses coéquipiers qui va durer un an.
"On nous a mis dans une cellule qui faisait trois mètres carrés et on était au nombre de douze dans la même cellule. Ils appelaient cela la porte rouge. On faisait nos besoin où on dormait. On a passé dix jours dans cette pièce avant d’être libérés. Puis ils nous ont placés dans d’autres cellules comme les autres prisonniers. Mais nous n’étions pas libres, ils nous ont interdit même l’accès des parents."
Il a eu la vie sauve
Si Maximilien a eu la vie sauve c’est grâce à l’implication personnelle de Francis Bozizé, qui aurait demandé aux militaires de ne pas les tuer. Mais tous n’ont pas eu cette chance.
"Une personne de 40-50 ans peut ne plus peser que 23 kilos. Il y a des gens qui mourraient de faim comme ça devant nous. Il y a une vieille et un vieux qui étaient accusés de sorcellerie. Ils les ont tabassés à mort devant nous. Il y avait un jeune congolais qui était là pour une histoire de vol, il a été aussi tabassé à mort. Un diamantaire a été mis à la porte rouge, enchainé et blessé. Il a été tabassé à mort".
Charles Massi, l’opposant à François Bozizé, a été assassiné dans cette prison. Sa famille souhaite connaître la vérité pour commencer son deuil.
Nous avons contacté maître Jean-Louis Opalagna, qui souhaitait défendre François Bozizé, mais celui-ci ne fait pas partie du pool des avocats autorisés à plaider devant la Cour pénale spéciale.
Jean-Louis Opalagna a toujours défendu la cause de François Bozizé. Il est un ancien député du parti KNK, la Convergence nationale, qui soutenait l’ancien président centrafricain. Il était aussi, récemment, ministre de la Fonction publique.