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Economie

Le fiasco de la cryptomonnaie Sango Coin en Centrafrique

Jean-Fernand Koena
2 septembre 2022

La Cour constitutionnelle s’oppose à la possiblité d’obtenir la nationalité centrafricaine ou un terrain en échange d’un investissement dans la cryptomonnaie du pays.

Des points lumineux et des signes apparaissant sur un écran en lignes horizontales et verticales pour symboliser les données informatiques
Les cryptomonnaies reposent sur l'absence de régulation par des banques centralesImage : Alexander Limbach/Zoonar/picture alliance

En Centrafrique, le gouvernement a subi cette semaine un sévère revers. Son projet de cryptomonnaie Sango Coin a été sanctionné par la Cour constitutionnelle.  

Le Sango coin permettait de monnayer l’acquisition d’un passeport centrafricain ou d'un titre de résidence. Les juges ont déclaré ces points non conformes à la Constitution et c’est tout l’édifice conçu par le président Faustin-Archange Touadéra qui risque de s’effondrer.  

Désormais, personne ne sait si l’Etat centrafricain va devoir rembourser les sommes déjà investies et le gouvernement semble vouloir gagner du temps pour trouver une porte de sortie.   

Lancé le 3 juillet dernier, le projet Sango repose sur la monnaie numérique nationale, le Sango Coin. Il dispose d’un portail internet qui détaille comment l’Etat centrafricain a ouvert grand ses portes aux investisseurs étrangers, au risque de brader les richesses du pays.  

Un passeport contre 60.000 dollars 

Ainsi, pour un investissement de 60.000 dollars en cryptomonnaie qui devra être bloqué pendant cinq ans, un investisseur étranger peut obtenir la nationalité centrafricaine.   

Grâce à ce passeport, un investisseur étranger aura le droit d’obtenir à faibles coûts des parts dans les secteurs miniers et forestiers centrafricains.   

Autre possibilité : faire domicilier son entreprise en Centrafrique pour 6.000 dollars ou encore acquérir un terrain de 250 mètres carré pour 10.000 dollars en Sango Coins conservés pendant dix ans.  

La plateforme internet fait miroiter un terrain dans le quartier résidentiel de Crypto City, prévu d’être bâti sur une île au milieu de la rivière Ubangui mais dont aucune pierre n’a encore été posée. 

Ecoutez le sujet de notre correspondant à Bangui

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Vendre la nationalité ou un droit de résidence étant contraire à la Constitution, un groupe constitué de représentants de la société civile, le G16, a saisi la Cour constitutionnelle qui lui a donné raison.  

Le gouvernement dos au mur 

Face à cette déconvenue, le gouvernement n’a pu que constater ce coup d’arrêt. "La décision de la Cour Constitutionnelle n’étant susceptible d’aucun recours, nous prenons seulement acte de cette décision", a-t-il indiqué.  

Mais la question qui se pose désormais est : l’Etat centrafricain va-t-il devoir rembourser les sommes déjà investies ?  

Il semble que celles-ci ne soient pas encore très importantes mais le gouvernement ne communique pas sur les chiffres.

Qui plus est, les ressources générées par le Sango Coin échappent à la comptabilité publique et sont de fait gérées directement par la présidence de la République.   

La cryptomonnaie très critiquée 

Ben Wilson Ngassan, l’un des membres du G16, met en garde contre les dangers de la cryptomonnaie.  

Pour lui, la décision de justice "est une satisfaction totale pour le peuple centrafricain, longtemps martyrisé par les lois scélérates prises par le pouvoir de Bangui, qui ne vont malheureusement pas dans le sens de l’intérêt général. En faisant ce recours, nous avons fait savoir que la loi sur la cryptomonnaie représente un réel danger pour la survie de notre nation."

Malgré tout, il est peu probable que le gouvernement renonce à un projet piloté directement par le président centrafricain. Dans une note officielle, le ministre d’Etat Obed Namsio a d’ailleurs estimé que la décision de la Cour Constitutionnelle n’a pas vidé de sa substance la loi sur la cryptomonnaie locale.   

Désormais, tout le monde attend la réaction du gouvernement pour savoir s’il va respecter ou chercher à contourner la décision de la Cour constitutionnelle.