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L'Allemagne veut moins de réfugiés ukrainiens sur son sol

18 novembre 2025

Le chancelier allemand a demandé au président ukrainien Volodymyr Zelensky de réduire l'afflux de jeunes hommes ukrainiens en Allemagne. Kiev s'exécutera-t-il ?

Le chancelier Friedrich Merz reçoit le président Volodymyr Zelensky (13.08.25)
Plusieurs ONG ukrainiennes suggèrent à Friedrich Merz et à l’Europe de plutôt livrer des armes à l’Ukraine Image : John Macdougall/AFP/dpa/picture alliance

Le chancelier allemand Friedrich Merz s'est joint aux appels lancés par les conservateurs de la CDU/CSU pour freiner l'afflux de jeunes Ukrainiens en Allemagne. Lors d'un entretien téléphonique avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky jeudi (13.11.25), il lui a demandé de "veiller à ce que les jeunes hommes ukrainiens ne retournent pas en Allemagne en nombre croissant" Ils doivent servir leur pays : "On a besoin d'eux là-bas", a fait remarquer Friedrich Merz.  

Le ministre-président de l'Etat-région de Bavière et chef de la CSU, Markus Söder, a été le premier homme politique de haut rang à s’exprimer de manière similaire auparavant. Dans une interview à la presse allemande, Markus Söder a appelé l’UE et le gouvernement fédéral à exercer une pression sur Kiev afin de "contrôler et réduire nettement" l’afflux de jeunes hommes fuyant l’agression russe vers l’Allemagne. Le secrétaire général de la CDU, Carsten Linnemann, a aussi tenu des propos similaires. 

Le SPD ne soutient pas Friedrich Merz 

L'un des cadres des conservateurs, Markus Söder, veut aussi limiter l’arrivée des jeunes Ukrainiens en Allemagne Image : Frank Hoermann/SVEN SIMON/picture alliance

Fin août, le gouvernement ukrainien avait autorisé les jeunes hommes âgés de 18 à 22 ans à quitter le pays. En Ukraine, ils ne sont certes pas enrôlés dans l’armée, mais jusqu’alors, ils n’étaient pas autorisés à voyager. Selon le ministère allemand de l’Intérieur, le nombre d’arrivées hebdomadaires dans cette tranche d’âge est passé de 19 à la mi-août à 1 400–1 800 fin octobre. Au total, plus de 1,2 million de réfugiés ukrainiens vivent en Allemagne.

Les socio-démocrates (SPD) n’ont pas encore adopté une position claire dans ce débat. Ralf Stegner, député SPD au Bundestag, le parlement allemand, a déclaré dans un entretien sur la DW qu’il rencontrait des difficultés avec les appels demandant aux jeunes Ukrainiens de servir leur pays comme soldats. "Le plus important est que nous contribuions tous à mettre fin à cette guerre le plus rapidement possible. Cela me semble plus important que de se concentrer sur le tournant migratoire, qui est souvent l’arrière-plan de telles initiatives. Nous devrions traiter correctement ceux qui viennent chez nous, par exemple en tant que réfugiés de guerre."  

Que cherche Friedrich Merz ? 

L’un des motifs de l’appel de Friedrich Merz adressé au président ukrainien Zelensky s’inscrit dans l’objectif du gouvernement fédéral de réduire la migration vers l’Allemagne, explique Stefan Meister, de la Société allemande pour la politique étrangère (DGAP) à Berlin. Le chancelier observerait avec inquiétude que des jeunes hommes, dont l’Ukraine aurait besoin, quittent leur pays. Il s’agirait aussi pour lui, selon Stefan Meister, de tenir ses promesses électorales.

Cela ne concernerait pas seulement les Ukrainiens. L’objectif de limiter l’immigration s’inscrirait dans un débat plus large sur les réfugiés et les migrants en Allemagne. Au total, l’Allemagne a accueilli "plus d’un million d’Ukrainiens", un chiffre qui "pèse sensiblement sur le système allemand", selon Stefan Meister. Le politologue attribue également au chancelier "une forme de populisme" et souligne que le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) exerce une pression sur la CDU à travers ce débat. 

Certains experts interprètent aussi la réforme de l’allocation citoyenne "Bürgergeld" récemment engagée comme un message adressé aux électeurs potentiels de l’AfD. Il est notamment prévu que les réfugiés ukrainiens arrivés en Allemagne depuis le 1er avril 2025 ne perçoivent plus cette allocation. Leurs prestations seront alignées sur celles des demandeurs d’asile, soit environ 120 euros de moins par mois. Jusqu’ici, les Ukrainiens célibataires recevaient environ 560 euros par mois, en plus du loyer, des frais de chauffage et de l’assurance maladie. A l’avenir, l’aide publique sera réduite à environ 440 euros, et la couverture médicale sera également limitée. 

"Merz a raison", affirme Winfried Schneider-Deters, politologue et publiciste vivant en Ukraine et en Allemagne. "Il est grotesque que le chancelier allemand doive rappeler au président ukrainien que les jeunes Ukrainiens sont ‘nécessaires’ là-bas – avant la ‘reconstruction’, bien sûr, comme soldats."  

L'Allemagne peut-elle limiter l’entrée d’Ukrainiens ? 

Stefan Meister estime que l’appel du chancelier est aussi lié au fait que l’Allemagne ne peut guère restreindre l’entrée des Ukrainiens. Ceux-ci ont le droit de séjourner sans visa jusqu’à 90 jours par an dans l’UE. De plus, après l’invasion russe, l’Europe a accordé à tous les Ukrainiens une protection temporaire, incluant un permis de travail – une mesure prolongée jusqu’en mars 2027. Stefan Meister suppose que la hausse pourrait également être saisonnière : "En hiver, davantage de personnes arrivent, et certaines repartent au printemps." 

Plus d’un million d’Ukrainiens sont arrivés en Allemagne après l’invasion de leur pays Image : DW

Pour l’instant, Volodymyr Zelensky ne s’est pas exprimé sur le sujet. Stefan Meister et Winfried Schneider-Deters doutent que Kiev accède à la demande du chancelier. "Ce serait une décision très impopulaire en Ukraine", anticipe Stefan Meister. L’expert de la DGAP plaide pour que l’Europe et l’Allemagne livrent davantage d’armes à l’Ukraine afin de soutenir son armée. 

Un réfugié ukrainien sur deux serait prêt à retourner dans son pays – mais sous certaines conditions, comme la restauration des frontières de 1991, des garanties de sécurité via une adhésion à l’Otan et la perspective d’une entrée dans l’UE. C’est ce qui ressort d’une étude publiée en octobre 2025 par l’institut ifo de Munich en Bavière, dans le sud de l’Allemagne. L’enquête a été menée auprès d’Ukrainiens dans 30 pays européens. 

En Allemagne, la proportion de ceux qui souhaitent rester est plus élevée : 59 % des personnes ayant fui durant les premiers mois de la guerre et 69 % de celles arrivées plus tard ne souhaitent pas retourner en Ukraine. C’est ce que révèle une étude commandée par l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés (BAMF) en 2023/24. Il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre d’Ukrainiens déjà retournés dans leur pays. Selon diverses estimations, entre 300 000 et 400 000 personnes arrivées en Allemagne depuis 2022 seraient reparties ou auraient migré vers un autre pays.