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Crise ukrainienne : la Chine joue la carte de la prudence

Carole Assignon | William Yang
24 février 2022

La complexité de la crise en Ukraine mais aussi une comparaison possible avec Taïwan poussent Pékin à adopter une approche discrète.

Le président chinois Xi Jinpin en décembre 2021.
Le président chinois Xi Jinpin en décembre 2021.Image : picture alliance / ASSOCIATED PRESS

La tension continue de monter entre la Russie et l'Occident à propos de l'Ukraine, la Chine observe prudemment l'évolution de la situation. Lundi, l'ambassadeur de Chine auprès des Nations unies, Zhang Jun, a appelé toutes les parties à rechercher des solutions raisonnables à la crise.

Après l'annonce de l'opération militaire en Ukraine, le minitère chinois des Affaires étrangères déclare que Pékin suit la situation en Ukraine de près. 

Mercredi, à la suite des sanctions annoncées par les Occidentaux contre Moscou, c'est Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, qui s'est exprimée pour donner le point de vue de Pékin.

"La position du gouvernement chinois est que nous pensons que les sanctions ne sont jamais un moyen fondamental et efficace de résoudre le problème et la Chine s'est toujours opposée à toute sanction unilatérale illégale."

La Chine, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Wang Yi, avait déjà exhorté les parties impliquées dans la crise russo-ukrainienne à revenir à l'accord de Minsk, à établir une feuille de route et un calendrier pour résoudre le problème plutôt que de faire la guerre et de semer la panique.

Malgré les signes indiquant que les relations bilatérales entre la Chine et la Russie se réchauffent, à la suite de la rencontre entre le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine au début du mois, certains experts affirment que Pékin agit avec prudence, uniquement dans son propre intérêt, dans un environnement géopolitique turbulent.

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Pour d'autres, la Chine, en exprimant un point de vue sur la sécurité en Europe, est ainsi sortie de son traditionnel silence sur ces questions et se positionne comme un pacificateur en appelant à la retenue.

Zsuzsa Anna Ferenczy, boursière à l'Université nationale Dong Hwa à Taïwan et ancienne conseillère au Parlement européen, précise que "Pékin est conscient que voir éclater un conflit n'est pas dans son intérêt et Moscou pousse Pékin à faire face à des décisions difficiles. L'équilibre est de protéger les propres intérêts de Pékin. "

Wen-Ti Sung, maître de conférences à l'Université nationale d'Australie, estime pour sa part que la Chine ne verrait pas d'inconvénient à voir un certain degré d'instabilité en Europe de l'Est, car cela pourrait alléger la pression, l'attention et les ressources que l'Occident pourrait consacrer à la région indo-pacifique. "Cela donne à la Chine beaucoup plus de flexibilité et de marge de manœuvre", explique-t-il à la DW.

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi JinpingImage : Aleksey Druzhinin/Sputnik/KremlinREUTERS

Cependant, Wen-Ti Sung précise que la Chine ne veut pas non plus voir la Russie lancer des offensives majeures en Ukraine qui pourraient créer de l'instabilité, ce que Pékin souhaite éviter, 2022 étant l'année de la transition énergétique de la Chine.

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Quel impact sur les relations bilatérales ?

Avant le début des Jeux olympiques d'hiver, le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine ont tenu une réunion à Pékin. Dans une déclaration commune, ils ont appelé l'Occident à abandonner les approches idéologisées de la guerre froide et exhorté l'Otan à cesser son expansion en Europe de l'Est.

Alors que la réunion est considérée par beaucoup comme le signe de liens bilatéraux plus étroits entre la Chine et la Russie, certains experts estiment que les actions de Moscou dans la crise actuelle avec l'Ukraine peuvent affecter le lien entre les deux pays.

Selon Danil Bochkov, expert au Conseil russe des affaires internationales à Moscou : "la décision de la Russie [de reconnaître l'indépendance des régions séparatistes ukrainiennes] a dû surprendre la Chine puisque Pékin a plaidé il y a quelques jours à peine pour la résolution de la crise via le processus de Minsk, qui a effectivement déraillé".

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Un observateur très attentif

Pour certains experts, au-delà de ses intérêts économiques et commerciaux, la Chine observe avec attention le bras-de-fer entre Moscou et les Occidentaux et tout particulièrement l'attitude des Etats-Unis. Pékin, dans sa volonté de se hisser au rang de première puissance mondiale, observe donc la relation entre Washington et ses alliés, tout comme les alliés des Etats-Unis en Asie dans cette crise.

La situation devenant de plus en plus grave, certains ont également commencé à faire des comparaisons entre l'Ukraine et Taïwan.

Tsai Ing-wen, la présidente de TaiwanImage : Walid Berrazeg/AA/picture alliance

Ce qui a poussé Pékin, par la voix de Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, à faire une mise au point 

"Je pense qu'il n'est pas judicieux pour les autorités taïwanaises et certaines personnes de profiter de la question ukrainienne comme d'un sujet brûlant. Taïwan n'est en effet pas l'Ukraine. Taïwan a toujours été une partie inséparable du territoire chinois. C'est un fait historique et juridique irréfutable. Le principe d'une seule Chine est une norme reconnue dans les relations internationales. L'indépendance de Taïwan ne sera qu'une impasse et personne ne devrait faire d'erreur de jugement à cet égard " a t-elle déclaré.

Pour de nombreux experts également, les situations ne sont pas identiques. Mais ils estiment que la Chine peut tirer des enseignements de la récente escalade autour de l'Ukraine et s'en servir ensuite avec Taïwan.

"Pékin pourrait recueillir beaucoup d'informations sur la façon dont l'Occident réagit et, surtout, coordonner ses actions entre les alliés", explique Danil Bochkov qui poursuit : "en s'appuyant sur l'affaire de 2014 avec les sanctions liées à la Crimée et en élargissant ses connaissances avec ce qui va se passer ensuite concernant le Donbass, la Chine peut compiler un guide assez efficace pour toute future escalade avec l'Occident, qu'elle soit liée à Taiwan ou inspirée par tout autre problème.”

Wen-Ti Sung, maître de conférences à l'Université nationale d'Australie, pense pour sa part que la Chine observera dans quelle mesure la question ukrainienne peut constituer un test pour l'unité occidentale. Selon lui, "l'escalade de la crise ukrainienne montre que les pays européens et les Etats-Unis ont des priorités différentes en termes de préoccupations géopolitiques".

"La question de savoir si l'Ukraine deviendra un test révélant les lignes de fracture au sein des principaux pays occidentaux et si cela conduira à une diminution ultérieure de la cohésion du bloc occidental est quelque chose que la Chine observera de près" précise-t-il.

Mercredi, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen a condamné la décision agressive de la Russie contre l'Ukraine. Elle a également exhorté les unités de sécurité nationale et de défense de Taïwan à continuer de renforcer les préparatifs de la dynamique militaire dans le détroit de Taïwan et à renforcer la réponse à la guerre cognitive.

Tsai Ing-wen a souligné que si la situation entre Taïwan et l'Ukraine est fondamentalement différente, la tentative des forces étrangères d'influencer la situation en Ukraine peut encore affecter le moral de la société civile taïwanaise.