Comment le Rwanda traque les opposants à l'étranger
29 mai 2024Le rapport Rwanda Classified est le fruit du travail d'une cinquantaine de journalistes dans 11 pays, mené sous l'égide du collectif Forbidden Stories.
Colette Braeckman est journaliste, spécialiste de la région des Grands Lacs, et elle rappelle le sort funeste d’un opposant Rwandaisdont le corps a été retrouvé à Bruxelles.
Elle se souvient qu'"il y a un Rwandais, à un moment donné, qui travaillait avec les opposants de Kigali et qui avait accepté de parler avec les services de police belges, de révéler certaines choses. Il était écouté dans la plus grande discrétion.Son corps a été retrouvé dans le canal à Bruxelles, il a été noyé et les soupçons portent sur les milieux liés à Kigali qui ont liquidé quelqu’un qui était considéré comme un traître."
En février 2021, Seif Bamporiki, le coordinateur en Afrique du Sud du Congrès national rwandais, a été abattu dans le township de Nyanga, dans la ville du Cap, en Afrique du Sud, où il vivait en exil.
Agressions physiques
Jean-Claude Nkubito un journaliste rwandais vivant en Belgique a été, pour sa part, agressé alors qu'il couvrait des activités de la communauté rwandaise à Bruxelles, en Belgique.
"Des menaces, moi, je n’ai pas reçu cela par mail ou par téléphone. J’étais en train de faire mon reportage en direct pour la BBC et j’ai été attaqué par quelqu’un qui se disait de la sécurité de l’ambassade. Il m’avait suivi. Et la personne m’a cassé mon téléphone. Je me suis vu directement attaqué par deux ou trois personnes qui se trouvaient être dans la sécurité de la manifestation. Et c’est la police belge qui m’a aidé à m’en sortir", se rappelle notre confrère.
Byansi Samuel Baker est un journaliste rwandais qui a fui son pays. Il a lui-même contribué au rapport Rwanda Classified et a confié à l'équipe de Forbidden stories les risques qu’il a dû prendre.
"Beaucoup de personnes ont été réduites au silence. Le risque est élevé, mais il faut savoir que le journalisme est plus qu’un emploi. C’est une vocation pour de nombreux journalistes“, raconte-t-il dans le documentaire diffusé par le collectif Forbidden Stories.
Tracasséries administratives
Et s’ils ne subissent pas de violence, les opposants au pouvoir de Kigali se voient refuser les services des ambassades pour des formalités administratives, explique la spécialiste du Rwanda Renate Hartwig, actuellement professeur à l'Institut Leibniz de Bochum.
"Les personnes concernées sont l’objet d'autant de mesures qui vont de la simple intimidation, c’est-à-dire des observations et des appels téléphoniques répétés, jusqu’aux menaces de violence", a déclaré au micro de DW, Renate Hartwig.
Le gouvernement de Paul Kagame a nié à plusieurs reprises ces accusations. Le ministère rwandais des Affaires étrangères a qualifié le rapport Rwanda Classified de campagne "politiquement motivée" visant à saper le Rwanda.