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Le nom du pape : un choix qui annonce son programme

Kossivi Tiassou | Christoph Strack
7 mai 2025

Le choix du nom d’un nouveau pape suscite toujours une vive attention, tant il révèle les grandes orientations que pourrait prendre son pontificat.

Vatican 2013 | La sortie du pape François le 13 mars 2013 après son élection
La sortie du pape François le 13 mars 2013 après son élection lors du cinquième et dernier tour de scrutinImage : Evandro Inetti/ZUMA Press/ABACA/IMAGO

Dans son autobiographie "Espérer", publiée en janvier 2025, le pape François, décédé le 21 avril, est revenu sur le moment crucial de son choix de nom lors du conclave de 2013.

Le 13 mars de cette année-là, lors du cinquième et dernier tour de scrutin, le nom de Jorge Mario Bergoglio, son nom civil, était de plus en plus cité pendant le dépouillement des voix.

"Quand mon nom a été prononcé pour la 77e fois, des applaudissements ont éclaté, même si la lecture des bulletins continuait… À cet instant même, alors que les cardinaux applaudissaient, le cardinal Hummes s’est levé pour m’embrasser : ‘N’oublie pas les pauvres’, m’a-t-il dit. Cette phrase m’a frappé en plein cœur. Je l’ai ressentie jusque dans mes entrailles. C’est à ce moment que le nom 'François' m’est venu à l’esprit."

Le pape François précise dans son livre qu’il n’avait jamais envisagé d’être élu et n’avait donc « aucun nom papal préparé ».

Rien qu’avec ce choix, Jorge Mario Bergoglio, qui est apparu ensuite au balcon de la basilique Saint-Pierre sous le nom de pape François, le 13 mars 2013, faisait déjà exception. Depuis plus de 600 ans, aucun pape n’avait choisi un nom encore jamais utilisé.

Lui-même jésuite, Jorge Bergoglio créa la surprise 2013 en étant le premier à se faire appeler François, le prénom du défenseur des pauvres au XIIIe siècle qu'était François d'Assise, alors que les bookmakers avaient parié sur LéonImage : ABACA/IMAGO

Le souhait d’un sans-abri

"Je pense que le choix du nom est souvent un programme en soi",  estime le théologien catholique et expert du Vatican Jörg Ernesti à la DW.

Dans "Espérer", François livre une anecdote qui montre que le nom était "dans l’air" : "Pendant les jours du conclave, un sans-abri est apparu sur la place Saint-Pierre avec une pancarte autour du cou : 'Pape François Ier', y était-il inscrit. Mais je ne l’ai remarqué que plusieurs jours plus tard, lorsque plusieurs journaux ont publié sa photo."

Avant Jorge Mario Bergoglio, le 266e pape, personne n’avait choisi le nom "François". D’autres noms étaient bien plus courants : Jean (23 fois, la dernière fois de 1958 à 1963), Grégoire (16 fois, la dernière fois de 1831 à 1846), Benoît (16 fois, la dernière fois de 2005 à 2013), Clément (14 fois), Innocent (13 fois), Léon (13 fois) et Pie (12 fois).

Il existe aussi plus de 40 noms comme Pierre, Fabien, Constantin et récemment François, qui ne figurent qu’une seule fois dans les listes papales. Il existe même des paris ou des spéculations entre amis sur le futur nom choisi.

Au cours des premiers siècles de la papauté, à commencer par Pierre, il n’y avait pas encore de changement de nom. "Le premier changement de nom attesté remonte probablement à 533", explique l’expert du Vatican Jörg Ernesti. À cette époque, le nouveau chef de l’Église s’appelait Mercurius, un nom de divinité païenne. Alors il avait choisi le nom de Jean II.

Jörg Ernesti souligne aussi une distinction importante : le choix d’un nom par un pape ne peut être comparé à celui d’un religieux lorsqu’il entre en ordre. "Cette interprétation moderne est erronée", dit-il. Les religieux abandonnent effectivement leur nom de baptême pour ne porter que leur nouveau nom, signe de leur nouvelle vie.

Amman, Jordanie, 1964 | Le pape Paul VI à l'aéroport | Accueil par le roi Hussein (Photo spéciale)Image : Topfoto/IMAGO

Le pape et Saint François

Depuis François, il est évident qu’un nom peut être un véritable programme. Son nom rappelait Saint François d’Assise (1182–1226), fils de marchand, qui a renoncé à toute richesse, et s’était senti appelé par Jésus à mener une vie de pauvreté radicale, et a fondé l’ordre des Franciscains.

À l’image de son saint patron, le pape François s’est tourné à de nombreuses reprises vers les pauvres et a attiré l’attention sur la beauté de la création, aujourd’hui menacée. Aucun lieu en dehors de Rome n’a été visité aussi souvent par le pape que la ville d’Assise.

Dans l’histoire récente, c’est sans doute Paul VI (pape de 1963 à 1978) qui incarne le mieux ce choix symbolique de nom. Originaire du nord de l’Italie et ancien archevêque de Milan, il se voyait comme un apôtre des peuples modernes, un titre habituellement attribué à Saint Paul, qui a répandu le christianisme au-delà de la Palestine.

Quatre mois seulement après son élection, Paul VI a été le premier pape en fonction à monter dans un avion pour se rendre en Terre Sainte, puis l’année suivante à Bombay. Il a effectué ensuite de nombreux voyages dans le monde, notamment à l’ONU à New York, en Ouganda, en Asie, en Océanie et en Australie.