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Coronavirus: les talibés, des boucs émissaires tout trouvés

Sandrine Blanchard | Katrin Gänsler
3 juin 2020

Les mendiants des écoles coraniques aussi sont frappés par la crise du coronavirus, du fait de leurs conditions de vie et des préjugés dont ils sont victimes. 

Senegal Ausbeutung von Koranschülern - Talibes
Image : Reuters/Z. Bensemra

Vous avez sans doute déjà croisé leur chemin, peut-être sans même les remarquer : les talibés, ces enfants inscrits dans des écoles coraniques et qui sont souvent forcés de mendier dans les rues. Eux aussi sont frappés par la crise du coronavirus, du fait de leurs conditions de vie et des préjugés dont ils sont victimes. 

Certains enfants sont reconduits de force dans leur région d'origine

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"Almajirai" ou "talibés"

Au Nigeria, on les appelle les almajirai. En 2014, l'Unicef estimait leur nombre à près de neuf millions et demi d'enfants dans le pays.

Au Sénégal, ils sont surnommés les talibés et ils seraient plus de 100.000 selon Human Rights Watch.

Quel que soit le nom qu'on leur donne, ces enfants sont pour la plupart originaires de régions rurales. Leurs parents, pauvres, les confient à des imams en ville en échange de la promesse de permettre aux enfants d'aller à l'école. Cette pratique existe depuis près de 300 ans.

Régulièrement, des scandales éclatent, rappelant à tous les conditions de vie de beaucoup de ces enfants, contraints de mendier pour pouvoir manger, qui n'ont pas d'endroit qui garantisse leur intimité et sont soumis à la sévérité des châtiments corporels infligés par leur imam.

Depuis l'émergence du coronavirus, les enfants talibés sont rejetés par le reste de la société : ils vivent dans la pauvreté et sont sales, alors on les accuse de transmettre la maladie. Des boucs émissaires tout trouvés.

Des talibés d'une daara de DakarImage : picture-alliance/ZUMAPRESS/S. Gil Miranda

Déportations d'enfants au Nigeria

Certains gouverneurs du Nigeria ont donc décidé de renvoyer les jeunes garçons dans leurs familles, de nuit, parfois contre leur gré. Nasir El-Rufai, gouverneur de l'Etat de Kaduna, est même allé plus loin en interdisant les almajirai.

"Nous interdisons le système et voulons que chaque enfant soit chez ses parents. Il faut qu'il suive des cours d'éducation moderne le matin, et l'après-midi des cours coraniques."

Les ONG réfléchissent à des solutions pour sortir ces enfants et leur famille de la misèreImage : picture-alliance/Zuma Press/S. Gil Miranda

Mais pour Hannah Hoechner, reconduire de force les enfants dans leur région d'origine, ce n'est pas la solution.
"On a déporté les enfants de nuit, ils ont été réveillés par la police. On les a conduits dans des camps où on ne s'est pas occupé d'eux. Ils n'avaient pas assez à manger. On a tardé à les soumettre à des tests de dépistage. Aucune mesure n'a été prise pour garantir la distanciation physique. Si l'un des enfants avait été testé positif au coronavirus, il aurait pu contaminer les autres facilement."
Promouvoir l'école en milieu rural
Les défenseurs des droits des enfants préconisent de régler le problème à sa racine. C'est-à-dire d'améliorer d'abord les conditions de vie des enfants, de leurs familles qui vivent de l'agriculture pour garantir des revenus aux parents. Et d'instaurer des écoles en milieu rural, subventionnées par la collectivité.

Ce modèle testé dans le nord du Nigeria évite à ces enfants d'avoir à partir en ville, il est plus ouvert aux petites filles et permet aussi d'encadrer le contenu des enseignements qui leur sont dispensés.

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