La nationalité de Tidjane Thiam fait toujours débat
16 avril 2025
En Côte d'Ivoire, ce mercredi (16.04) était jour de vote au PDCI. A six mois de la présidentielle du 25 octobre, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire était en convention. Seul à s'être présenté, c'est Tidjane Thiam, ancien ministre et banquier international, qui devrait être le candidat du principal parti d'opposition. Actuellement hors du pays, il est toutefois au cœur d'une polémique sur sa nationalité. Né en Côte d'Ivoire, Tidjane Thiam a acquis la nationalité française, avant d'y renoncer en mars dernier pour pouvoir se présenter à la présidentielle, puisqu'aucun candidat ne peut être binational.
Mais pour ses détracteurs, l'acquisition d'une autre nationalité l'aurait automatiquement déchu de sa nationalité ivoirienne. Pour Paul Amégakpo, président de l'Institut Tamberma pour la gouvernance (ITG), basé au Togo, la question de la nationalité de Tidjane Thiam doit être réglée au plus vite.
Lisez ou écoutez l'interview de la DW avec Paul Amégakpo.
Paul Amégakpo : Comme il est de coutume autour de la désignation des candidats pour les élections présidentielles en Afrique, les candidats les plus sérieux sont souvent victimes des machinations soit à l'interne, au sein de leur formation politique, soit par des pressions extérieures exercées par le pouvoir en place. Et donc Tidjane Thiam est donc victime de ce scénario d'élimination préventive de candidats sérieux. Aujourd'hui, il est le candidat unique pour l'élection au niveau de son parti.Et il ne fait aucun doute qu'il sera plébiscité, cependant la question de sa nationalité devrait être une question qui doit être réglée rapidement.
Il a la liberté en tant que citoyen de choisir sa nationalité.Il a déjà renoncé à la nationalité française et l'acte officiel de cette renonciation avait été publié par les autorités françaises.
Il doit à présent acquérir donc sa nationalité ivoirienne qui devrait être confirmée par acte de justice. Et la décision que le tribunal avait prise la dernière fois de retarder, de statuer au fond sur sa requête pose problème dans la mesure où en la matière, il n'y a pas la procédure de demande reconventionnelle.
La demande reconventionnelle, c'est lorsque vous avez une situation pendante à la justice où vous êtes normalement le défendeur et vous décidez d'introduire une demande qui permettrait de fragiliser la demande qui vous est opposée.
Et donc dans le cas de figure de Tidjane Thiam, le juge ferait mieux de séparer les deux procédures et de pouvoir traiter sa demande de nationalité.
Si cela n'est pas fait, nous pourrons donc l'interpréter comme une récupération politique d'une question qui devrait être purement judiciaire, sinon administrative.
DW : Justement pour le PDCI, parler de la nationalité de Tidjane Thiam aujourd'hui serait une manœuvre pour l'empêcher d'être candidat.La question de la nationalité, dans tous les cas en Côte d'Ivoire, c'est un sujet très délicat...
Paul Amégakpo : Effectivement. Donc c'est un retour sous un visage légèrement différent de la question de l'ivoirité. L'ivoirité qui avait hanté l'opinion publique ivoirienne et pourquoi pas internationale dans les années 2000 autour de Ouattara et comme un retour de bâton, c'est Ouattara qui aujourd'hui impose le même scénario à un challenger d'un parti aussi historique que le PDCI-RDA. Et nous nous observons également qu'au-delà de la personne de Tidjane Thiam, qu'il y a également d'autres leaders politiques qui aujourd'hui n'ont pas la certitude d'être candidat parce que leurs inscriptions sur la liste électorale a été refusée. Notamment l'ancien président Gbagbo et d'autres leaders dont certains sont en exil, comme Guillaume Soro.
Et donc c'est un contexte préélectorale qui est assez délétère et qui pourrait conduire à des élections contestées et qui pourrait malheureusement dégénérer en violence.Parce que depuis 2010, les élections successives organisées en Côte d'Ivoire, ont connu des violences pré, pendant et post-électorales.
DW : Tidjane Thiam a passer plusieurs années quand même à l'étranger où il a fait sa carrière, est-ce que le fait d'avoir été aussi longtemps hors de la Côte d'Ivoire, est-ce que cela ne joue pas aussi un peu contre lui quand même ?
Paul Amégakpo : Pas du tout. La question de la nationalité ne devrait pas répondre à ces critères, même si nous savons qu'il n'y a pas un droit international ou un principe général qui régit la nationalité, la délivrance des nationalités.
Mais le fait Tidjane Thiam d'avoir été à l'international, de travailler à l'international, n'exclut pas le fait qu'il est réputé Ivoirien, qu'il a déjà été ministre en Côte d'Ivoire.Qu'il a travaillé en Côte d'Ivoire, que ses parents sont connus comme étant Ivoiriens.
Et donc en réalité, cette question d'ivoirité assimilé aujourd'hui au refus de nationalité ou à la problématique de double nationalité ne devrait pas se poser.
DW : Mais certains estiment que les Ivoiriens, même s'il a occupé des fonctions par le passé, les Ivoiriens le connaissent assez peu.
Paul Amégakpo : C'est au peuple ivoirien de le trancher dans les urnes.Et donc, aujourd'hui, Tidjane Thiam n'a pas encore participé à une joute électorale pour savoir s'il est légitime, populaire ou non. Et donc il va falloir lever tous les obstacles politiques, tous les obstacles administratives pour donner une chance égale à tous les compétiteurs, y compris Tidjane Thiam.
C'est de cela, la démocratie se nourrit. C'est d'ailleurs même le reflet du principe de libre compétition qui régit tout processus électoral.