Craintes de guerre civile au Nigeria
8 janvier 2012Le Nigeria se dirige-t-il vers une guerre civile ? C'est en tout cas la crainte de l'Association chrétienne du Nigeria, qui regroupe des protestants et des catholiques. Le pasteur Ayo Oritsejafor, qui dirige l'association, a déploré l'incapacité des gouverneurs des Etats du Nord d'empêcher les violences contre les chrétiens. Il s'est exprimé samedi lors d'une réunion d'urgence de responsables chrétiens :
« La façon dont se déroulent ces tueries nous fait penser à un nettoyage ethnique et religieux systématique. Ce type d'évènements nous rappelle les débuts de la guerre civile qui a eu lieu au Nigeria. Si on regarde en arrière, on se souviendra que c'est exactement de cette façon que cela avait commencé. »
Le pasteur faisait allusion à la guerre civile qui a fait rage de 1967 à 1970, lorsque la région du Biafra a voulu prendre son indépendance, et qui a fait environ un million de morts. Ayo Oritsejafor a par ailleurs prévenu que les leaders chrétiens étaient en train de « définir les moyens nécessaires pour se défendre face aux tueries », ce qui était leur « droit légitime ». Le chef de l'Association chrétienne du Nigeria avait déjà attiré l'attention en tenant des propos vindicatifs après l'attentat contre l'église de Madalla qui avait fait 44 morts le jour de Noël. Il avait alors averti que la communauté chrétienne répondrait en cas de nouvelles attaques contre ses membres.
Couvre-feu et appel au calme
Depuis cet attentat du 25 décembre, les violences contre les chrétiens se sont poursuivies dans le nord-est du Nigeria. Elles se sont multipliées en fin de semaine après l'expiration mercredi soir d'un ultimatum lancé par la secte islamiste Boko Haram, qui demandait aux chrétiens de quitter le nord du pays. Samedi, les autorités de l'Etat d'Adamawa ont décrété un couvre-feu de 24 heures suite à deux attaques dans la ville de Mubi, jeudi et vendredi, qui ont fait en tout 21 morts selon la Croix-Rouge.
Le 31 décembre dernier déjà, le président Goodluck Jonathan avait décrété l'état d'urgence dans les régions touchées par les troubles. Samedi soir, dans un discours à la télévision, il a lancé un appel au calme :
« Les récents actes de violence à Gombe, Yola et Mubi sont regrettables. J'appelle tous les Nigérians à rejeter l'amertume et la rancœur et à vivre ensemble en harmonie et dans la paix. A chaque fois qu'il y aura une menace contre l'ordre public, les forces de sécurité feront respecter la loi. »
Des violences « pires que la guerre civile »
Dimanche, le président a estimé que les violences actuelles étaient pires que la guerre civile des années 1960 :
« Durant la guerre civile, nous pouvions savoir et même prévoir d'où venait l'ennemi. Mais le défi auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est plus compliqué. »
Goodluck Jonathan a aussi affirmé que la secte islamiste Boko Haram avait des sympathisants au sein du gouvernement, du parlement et des services de sécurité.
L'année dernière déjà, Boko Haram avait revendiqué une série d'attaques qui avaient fait plus de 80 morts pendant la période de Noël, ainsi que l'attentat contre le siège des Nations unies à Abuja, qui avait fait 25 morts le 26 août. La secte islamiste, qui existe depuis 2004, se réclame des talibans afghans. Elle rejette les valeurs occidentales et prône l'introduction de la charia au Nigeria.
Auteur : Aude Gensbittel avec AFP, reuters
Edition : Moulaye Abdel Aziz