1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Crise anglophone : ne pas se taire pour l'avenir des enfants

Adrian Kriesch
12 février 2021

Dans le nord-ouest du Cameroun, la plupart des écoles sont fermées. Mais le père Roland Arrey ne veut pas céder à la pression. Reportage.

Une école saccagée à Numba, dans le nord-ouest du Cameroun
Une école saccagée à Numba, dans le nord-ouest du CamerounImage : Adrian Kriesch/DW

Depuis quatre ans, la plupart des écoles de l'ouest du Cameroun sont fermées. C'est le cas aussi Dans le village de Numba, où les séparatistes ont détruit l'école et fait fuir les enseignants. Mais aujourd'hui, un centre de loisirs accueille les enfants de Numba trois fois par semaine. Et ce n'est pas seulement pour jouer, explique le père Roland Arrey, à l'origine de cette initiative :

"Nous essayons de leur donner un peu d'espoir - et des connaissances de base pour la vie : lire, écrire, compter."

Ecoutez le reportage dans le village de Numba

This browser does not support the audio element.

Les enseignants sont des volontaires du village, comme Videsh Egbe. Agée de vingt ans, elle a elle-même dû quitter l'école avant l'heure en raison de la crise :

 "J'apprends aux enfants ce que je sais moi-même. Ce n'est pas grand-chose car je ne suis pas allée très longtemps à l'école, mais je suis contente qu'ils apprennent quelque chose. J'aime ce que je fais. J'aime aider notre village et les enfants."

"On n'a rien"

Videsh aimerait retourner à l'école, obtenir son certificat et devenir infirmière ou médecin. Mais pour l'instant, elle tente juste de survivre :

"Il n'y a pas de marché ici où on pourrait acheter à manger. On a de l'argent mais personne n'ose apporter des marchandises ici. En ce moment, on n'a plus rien à manger à la maison. Rien. Quelques patates douces et des bananes, mais rien pour faire une soupe. Pas de légume, pas de poisson, pas de viande… on n'a rien.

A (ré)écouter également : 

Au Cameroun, l'école prise pour cible dans la crise anglophone

This browser does not support the audio element.

Tombée enceinte peu après le début de la crise, Videsh doit aussi s'occuper de sa petite fille :

"Nous devrions avoir la liberté de vivre dignement. Nous avons peur ici. Parfois, on est à la maison et les tirs commencent. Pan, pan, pan… Evidemment cela fait peur. Et on ne va pas bien."

Les enfants payent le prix fort de la crise anglophoneImage : DW/M. S. Menyen

Brutalité dans les deux camps

 La tante de Videsh a vu sa maison attaquée et entièrement détruite par les séparatistes, qui ont gravement blessé son mari.

Et ce n'est pas la seule dans ce cas... Des histoires comme celles-ci, le père Roland Arrey en entend tous les jours :

"J'ai vu que les militaires, comme les séparatistes, brutalisent les gens. Ils font des choses inhumaines. Oui, certains sont gentils, ou essaient de l'être. Mais d'autres sont simplement des brutes. Ils font ce qu'ils veulent parce qu'ils croient qu'ils en ont le droit. J'ai été arrêté dans la rue, ils ont dit : donne-nous ton argent ou nous te tuons. Nous n'avons rien à perdre. Ils m'ont dit ça en face."

Roland Arrey est un des rares à émettre ouvertement des critiques mais il ne veut pas se taire, pour l'avenir des enfants du Cameroun.