1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
EconomieAfrique

La crise du cacao secoue l'industrie du chocolat

1 avril 2025

La pénurie de cacao fait monter les prix pour les chocolatiers et consommateurs en Europe, mais les producteurs africains en profitent peu.

Arbeitsminister und Entwicklungsministerin in Afrika
Image : Christophe Gateau/dpa/picture alliance

Oliver Coppeneur, chocolatier basé à Bad Honnef en Allemagne, est dans le métier depuis les années 1990. Cependant, il traverse actuellement une période difficile en raison de la hausse des prix d’un ingrédient clé de ses créations : le cacao.

L’année dernière, comme de nombreux chocolatiers à travers le monde, il a dû augmenter les prix de ses chocolats. En effet, à la fin de 2024, le prix du cacao sur le marché mondial a connu une flambée spectaculaire, doublant presque par rapport à l’année précédente. Cette hausse brutale exerce une forte pression sur l’industrie chocolatière mondiale, impactant les fabricants, les consommateurs et les producteurs de cacao.

Oliver Coppeneur a confié à la DW que cette augmentation entraînera une hausse équivalente du prix des produits chocolatés, ce qui pourrait à terme provoquer une "diminution significative du volume" disponible sur le marché. Cependant, il a précisé qu’il parvient pour l’instant à faire face à la situation sans procéder à des licenciements et qu’il souhaite maintenir des prix stables pour ses chocolats.

Oliver Coppeneur, chocolatier basé à Bad Honnef en Allemagne, subit lui aussi la crise du cacao.Image : Stefanie Neuhaus/DW

Pourquoi le prix du cacao a-t-il grimpé si rapidement ?

Environ 65 % du cacao mondial provient de quatre pays africains : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun. À l’origine de cette flambée des prix, un grave déficit d’approvisionnement.

La récolte catastrophique de 2024 a durement frappé les plantations d’Afrique de l’Ouest. En cause : le virus du gonflement des pousses du cacaoyer (CSSV), qui se propage d’arbre en arbre et peut réduire les rendements de 50 % en seulement deux ans. Un rapport de l’Organisation internationale du cacao indique que 81 % des plantations au Ghana – deuxième producteur mondial après la Côte d’Ivoire – sont touchées par le CSSV. La maladie se propage également en Côte d’Ivoire, affectant environ 60 % de la production mondiale de cacao.

Par ailleurs, l’organisation américaine à but non lucratif Climate Central a signalé que le changement climatique entraînait des températures plus élevées dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Nigeria. Une étude menée par un centre de recherche basé à Princeton (New Jersey) montre que des températures supérieures à 32°C pourraient réduire la qualité et la quantité des récoltes, ce qui affecterait gravement les principales régions productrices de cacao.

En outre, le phénomène météorologique El Niño a entraîné une saison des pluies exceptionnellement humide en Afrique de l’Ouest en 2024, ce qui a encore réduit les récoltes de cacao.

Dans un contexte de hausse des cours mondiaux et de lutte contre la déforestation, Abidjan et Accra entendent défendre leurs intérêts face aux multinationales qui dominent la filière. Alors que les cours du cacao flambent, les producteurs africains mettent la pression pour un commerce plus équitable et durable.Image : cristina Aldehuela/AFP/Getty Images

Des prix élevés, des profits encore plus hauts

D’après les données officielles rapportées par Bloomberg, "au moins une douzaine de chocolatiers familiaux ont fermé en Europe" en 2024. Parmi eux figurent les confiseurs allemands Arko, Hussel et Eilles, qui ont à nouveau déposé le bilan après une première faillite en 2021 en raison de la pandémie de COVID-19.

Les consommateurs européens ressentent directement cette pénurie de cacao : en Allemagne, les prix du chocolat ont augmenté de 40 % depuis 2020.

Cependant, selon Friedel Hütz-Adams, chercheur à l’institut SÜDWIND pour l’économie et l’œcuménisme à Bonn, les grands fabricants de chocolat ont généralement réussi à répercuter la hausse des prix du cacao sur les consommateurs. Il souligne que les entreprises du secteur ont maintenu des profits stables, et que certaines ont même enregistré des bénéfices supérieurs à ceux des années précédentes.

Par exemple, le géant suisse Lindt a vu son chiffre d’affaires mondial progresser de 7,8% en 2024, avec une croissance encore plus forte sur le marché européen (9,5%).

L’avenir du chocolat : un luxe en devenir ?

"Historiquement, le chocolat est un aliment qui résiste aux crises économiques", affirme Clay Gordon, fondateur de la communauté en ligne TheChocolateLife. Il explique que les consommateurs achètent du chocolat pour se faire plaisir, même en période difficile.

Le gouvernement ivoirien intensifie ses exigences envers les géants du cacao Cargill, Olam et Barry Callebaut, les incitant à mieux rémunérer les producteurs et à respecter les engagements en matière de prix plancher et de prime de durabilité.Image : Xu Zheng/Xinhua/picture alliance

Friedel Hütz-Adams de SÜDWIND partage cette analyse et estime que les ventes relativement stables montrent que les clients continuent d’acheter du chocolat malgré les prix élevés. Toutefois, il rappelle que pendant des années, la majorité des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest ont manqué de ressources pour appliquer de bonnes pratiques agricoles, ce qui a entraîné une baisse des rendements par hectare.

Les prix bas du cacao dans le passé ont également conduit à des conditions de travail précaires, notamment des salaires insuffisants et un travail des enfants répandu dans les plantations. Hütz-Adams pense que la hausse des prix du cacao pourrait contribuer à réduire ces violations des droits humains à l’avenir.

Oliver Coppeneur partage cet avis : selon lui, le cacao a été si sous-évalué au fil des décennies que les agriculteurs n’ont pas pu exercer leur métier dans des conditions décentes. Il alerte sur la nécessité d’investir dans des cultures plus résilientes et des rendements plus élevés pour éviter de futures flambées des prix.

"Les prochaines générations de producteurs devront se poser la question : voulons-nous vraiment continuer ce métier, voulons-nous poursuivre le travail dans les fermes ?" s’interroge-t-il. Si les entreprises chocolatières n’investissent pas dans les cultivateurs de cacao, elles ne devront pas s’étonner si, à l’avenir, il n’y a plus personne pour produire le cacao.