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La dure réalité des déplacés d’Oicha dans l’est de la RDC

Pascal Mapenzi
16 décembre 2022

Manquant de places dans les camps, certains déplacés sont obligés de dormir dans les écoles. Le matin, ils doivent quitter les salles de classe pour laisser la place aux élèves. Reportage.

Kongo I Kanyaruchinya Lager für Binnenvertriebene
L'ONU a chiffré à plusieurs dizaines de milliers le nombre de déplacés, chassés de leurs villages par les affrontements.Image : Guerchom Ndebo/AFP

Depuis 2014, les massacres des populations civiles sont récurrents dans l’est de la République démocratique du Congo. La rébellion ougandaise des Forces démocratiques alliées, les ADF, est accusée d’être l’auteure de ces tueries qui ont fait plus de 5.000 morts.

Cette insécurité a entrainé des déplacements massifs de populations. L’agglomération d’Oicha, chef-lieu du territoire de Beni, accueille un grand nombre de ces déplacés.

Des salles de classes servent de dortoirs

Balai à la main, Miriam, elle-même une déplacée, prépare l’arrivée des élèves. Elle doit débarrasser la salle de classe des ustensiles de cuisine, des bâches ou des matelas qui ont servi de lits. C’est son travail chaque matin, entre 5h et 6h du matin. 

"Même si j’ai encore le sommeil, je suis obligé de me réveiller et de réveiller les enfants pour qu’ils aillent dehors. C’est souvent par la force, je n’ai pas d’autre choix. En cas de pluie, nos affaires sont mouillées à l’extérieur. C’est une vie de souffrance, nous dormons difficilement. Et on manque de quoi préparer le petit-déjeuner pour les enfants quand on les réveille. Voilà comment leur santé se détériore de jour en jour. Nous n’avons même pas de moustiquaires, les moustiques les piquent la nuit. Avant, mes enfants étaient en bonne santé, on vivait bien dans notre village. Et depuis que nous sommes ici, nous n’avons aucune assistance, même pas de la bouillie", a déploré Miriam.

Zawadi, sa grande fille, a dix ans. Sa mère venait de la réveiller et c’est difficilement qu’elle sort du sommeil. Chaque matin, elle doit aider sa mère à nettoyer la salle de classe transformée en dortoir. Une tâche qu’elle accepte à contre-cœur. 

"Ici nous dormons très mal sur une bâche, maman vient de nous réveiller pour qu’on ait fini de balayer lorsque les élèves arrivent. Cette situation m’énerve beaucoup, ça me fait très mal vraiment ! Moi j’ai dix ans, je ne suis pas à l’école, ça me fait de la peine de voir les autres enfants venir à l’école, bien vêtus en uniforme, alors que moi je dois quitter leur classe et attendre dehors", raconte Zawadi.

À leur arrivée, vers 7h du matin, les élèves sont souvent surpris de constater que leurs classes ne sont pas encore prêtes. Ils n’ont pas le choix : ils doivent attendre dehors.

Leur nombre précis est difficile à connaître, mais plus de 140.000 personnes campent ainsi dans le territoire de Nyiragongo, ou dorment dans des églises et des écoles, selon des chiffres donnés fin novembre par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).Image : Guerchom Ndebo/AFP

Cohabitation parfois dificile

La cohabitation parfois dure à accepter mais Jonathan Muhindo et les autres élèves savent que ces déplacés vivent dans des conditions difficiles.

"Les élèves sont à l’extérieur parce que les salles de classe ne sont pas encore prêtes. Vous pouvez arriver en classe, vous trouvez que les enfants ont fait leur besoin, parfois on peut trouver de l'urine dans les salles de classe. On est donc obligé d’attendre que la pièce soit nettoyée. Quand nous sommes en classe, les enfants déplacés jouent dehors, les uns au football à l’extérieur, les autres aux jeux des filles. Et quand ils préparent à manger, la fumée entre dans les salles de classe. Ces déplacés n’ont pas le choix parce que le gouvernement ne leur donne pas de maisons. On est obligé de les laisser dans les salles de classe", a expliqué Jonathan.

Marie-Françoise Visika est enseignante. Souvent, elle perd plusieurs minutes de ses heures de cours en raison des perturbations. Elle se plaint de cette situation et regrette que ses élèves soient moins concentrés.  , perd souvent plusieurs minutes de ses heures de cours en raison des perturbations. Elle se plaint de cette situation et regrette que ses élèves soient moins concentrés.  

"Il y a quelquefois où, pendant que vous êtes en train d’enseigner, ils peuvent entrer subitement, chercher leurs effets sans même vous demander la permission. Ils entrent comme s’ils étaient de la classe. Si vous étiez en pleine explication, vous devez attendre que la personne ait terminé pour continuer la leçon. Imaginez les minutes qu’on perd ainsi. Et quand il pleut, ils se mettent sur le balcon, ça crée beaucoup de confusions, vous entendez les élèves qui parlent entre eux et qui ne vous suivent plus".  

Plus de 200 familles de déplacés vivent dans des écoles à Oicha, chef-lieu du territoire de Beni. De nombreux autres déplacés vivent dans des familles d’accueil ou dans des camps dédiés déjà érigés dans la ville. 

Selon un rapport des autorités sanitaires locales, 52 déplacés internes, à majorité des femmes et des enfants, sont morts de malnutrition et par manque d’accès aux soins de santé au cours des trois derniers mois dans les camps de déplacés à Oicha.