Dans l'ombre de Paul Biya, Ferdinand Ngoh Ngoh
8 mai 2019Il aura fallu trois mois pour que les Camerounais se rendent compte que le président Paul Biya a accordé par décret, depuis le 5 février dernier, une "délégation permanente de signature" au secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh.
Ancien secrétaire général au ministère des Relations extérieures, celui-ci occupe depuis fin 2011 le fauteuil de secrétaire général de la présidence. Confident du président Biya, le diplomate est surtout proche de la première dame, Chantal Biya, originaire comme lui de la région de Haute-Sanaga.
Nombreux sont ceux qui s'interrogent désormais sur le bien-fondé juridique d'un tel acte.
Maître Fidèle Djoumbissie, avocat au barreau du Cameroun et militant du MRC, parti d’opposition, tente de comprendre.
"Il ressort de la constitution, en son article 10, que le président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre, à certains membres du gouvernement, et certains membres de l’administration de l’Etat", constate le juriste. "Mais la constitution parle de délégation de pouvoirs. Et lorsqu’on parle de délégation de signature, ça ne renvoit à rien dans la constitution."
Un pouvoir déjà utilisé dans le passé
Du côté du parti au pouvoir, on ne trouve rien de mauvais dans ce décret présidentiel. Selon Ayissi Bessala, membre du RPDC, c’est au moins la quatrième fois que Paul Biya accorde délégation de signature à un secrétaire général de la présidence de la République.
"Ce sont les pratiques. Le président de la République, comme il n’a pas de vice-président, peut donner son pouvoir même au simple ministre pour des domaines bien précis. Le secrétaire général a ce pouvoir depuis longtemps. Mais dès qu’on fait du bruit autour, ce n’est pas bon", déplore ce militant.
Biya dans l'incapacité de gouverner ?
Selon Maître Djoumbissie, cet acte du président serait accepté par tous s’il avait été motivé par une indisponibilité temporaire du chef de l’Etat.
"Comme ce n’est pas justifié, il y a déjà une transmission de pouvoir de gré à gré. Ça nous inquiète déjà. Ça nous laisse penser que monsieur Biya, vu son âge, n’est plus en capacité de gouverner. Il devrait plutôt démissionner."
Le président Biya, jadis critiqué pour ses sorties fréquentes du pays, et ses longs séjours à l’étranger, n’est pas officiellement sorti du Cameroun depuis la dernière élection présidentielle en octobre 2018.
Une sédentarité qui met en question la délégation permanente de sa signature au secrétaire général de la présidence de la République que certains au Cameroun s’empressent déjà à classer parmi les dauphins pour une éventuelle succession de Paul Biya.