Dans l'univers des enfants de la rue à Kinshasa
9 juillet 2025
À Kinshasa, des centaines d’enfants et des jeunes grandissent dans l’abandon, oubliés du système, invisibles aux regards des passants. Martine Kela et Moïse Mondonga font partie de ces voix qu’on entend rarement. La DW les a rencontrés.
C'est sur l'avenue grand séminaire, dans le quartier Righini, à Lemba, une commune de Kinshasa, que nous avons rencontré Martine Kela, une jeune mère de 22 ans. Étendue sur un pagne devant le couvent des sœurs religieuses, elle raconte son parcours.
"Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère s'est remariée, et son mari... m'a violée. J'avais 15 ans. Quand j'ai essayé d'en parler à ma mère, elle m'a demandé de me taire, de supporter pour ne pas gâcher son mariage. À 17 ans, j'ai fui la maison, vu que je ne supportais plus les traumatismes et douleurs causés par ce viol."
Cinq ans plus tard, la rue est devenue son quotidien.
"La vie ici est très dure. Je suis exposée aux viols, presque toutes les nuits. J’ai eu un enfant dont je ne connais même pas le père. Pour manger, il faut mendier. Trouver de l'eau pour se laver, c'est compliqué. J'aimerais bien apprendre un métier pour retrouver ma vie d'avant, avoir une maison, à manger, de quoi me vêtir et vivre loin de cette famille."
"On avait une vie difficile à la maison"
Plus loin, dans la commune de la Gombe, à côté du saut-de-mouton Mandela, sur le boulevard du 30 juin, nous avons croisé Moïse Mondonga, âgé de onze ans.
Assis sur un carton, la tête appuyée contre un véhicule stationné, son petit frère de trois ans dormait profondément à ses côtés.
Moïse explique qu'avant, il mendiait avec sa mère et ses deux jeunes frères et sœurs.
"On avait une vie difficile à la maison, et ce sont les amies de ma mère qui lui ont appris à mendier. On le faisait avec elle, puis on s'est perdus. J'étudiais, mais j'ai arrêté. Je suis avec ma petite sœur de sept ans et mon petit frère de trois ans."
À Kinshasa, des enfants comme Moïse et des jeunes femmes comme Martine survivent à la marge, loin des regards, entre violence, précarité et oubli.
Derrière chaque silhouette croisée sur un trottoir, il y a une histoire souvent douloureuse, parfois invisible, mais toujours bien réelle.
Et si leurs voix se font entendre, c’est peut-être pour rappeler qu’avant d’être abandonnés par le système, ils étaient d’abord des enfants, comme les autres.