Ces millions de déplacés oubliés d'Afrique
3 juin 2025
Huit pays africains se classent parmi les dix crises les plus négligées au monde. C’est le Conseil norvégien pour les réfugiés qui le dit dans un rapport publié ce mardi 3 juin.
En 2024, le Cameroun a remplacé le Burkina Faso en tête de la liste des crises de déplacement de populations les plus négligées au monde, selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).
L’ONG publie chaque année ce classement basé sur le manque de financements, de couverture médiatique et de volonté politique internationale.
"Trois crises distinctes et prolongées frappent le Cameroun depuis plus d'une décennie : le long conflit avec des groupes armés dans le bassin du lac Tchad, la violence dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et l'instabilité persistante qui déborde de la République centrafricaine voisine", dit le Conseil norvégien pour les réfugiés, dans son rapport publié ce mardi.
La région de l’Extrême-Nord du Cameroun est en effet confrontée, depuis 2014, aux incursions des combattants de Boko Haram venus du Nigeria. Quant aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, elles subissent, depuis 2017, les attaques de groupuscules séparatistes armés.
Pour l’ONG, "la crise au Cameroun est un cas d'école en matière de négligence mondiale : peu couverte et sous-financée et les perspectives pour 2025 sont encore plus sombres".
"Nous avons analysé le montant du financement accordé par les donateurs pour répondre aux besoins humanitaires, les efforts diplomatiques déployés pour résoudre les crises et le niveau d'attention des médias pour établir la liste des dix crises les plus négligées au monde, où les personnes déplacées souffrent loin des projecteurs de la communauté internationale. Le Cameroun est un cas d'étude de la négligence mondiale en obtenant un score honteusement bas dans les trois domaines et en se plaçant en tête de la liste cette année", dit Laila Matar, directrice de la communication mondiale du Conseil norvégien pour les réfugiés.
L'absence de l'aide américaine pèse lourd
Depuis sa prise de fonction en janvier, le président américain, Donald Trump, a gelé l’aide étrangère américaine et démantelé l’USAID, l’agence américaine pour le développement, qui gérait un budget annuel de plus de 42 milliards de dollars, représentant à lui seul 42 % de l’aide humanitaire mondiale.
Faute de financements, la situation humanitaire se dégrade donc pour de nombreux déplacés, selon la présidente de l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes à Bafoussam, dans l'Extrême-Nord du Cameroun.
"Ils ont des problèmes d'intégration, de relance économique, il y a des besoins de scolarisation des enfants, d'autonomisation des femmes. Et pour certains, cela commence à durer et ils veulent rentrer, mais ils se demandent par quel bout il faut s’y prendre", explique Meguio Bibi.
L'ONG norvégienne déplore le manque de financements. Malgré l’ampleur de la situation, seuls 45% des fonds humanitaires demandés ont été versés.
Le Burkina et ses nombreux déplacés
Si en 2022 et 2023, le Burkina Faso a occupé le premier rang de ce classement, la situation des déplacés reste toujours préoccupante dans ce pays, selon Anne Tréhondart, Directrice régionale des programmes pour l'Afrique de l'Ouest et centrale au Conseil norvégien pour les réfugiés.
"La situation au Burkina Faso ne s'est pas du tout améliorée en 2024. Le pays compte aujourd'hui plus de deux millions de déplacés internes et une école sur cinq reste fermée en raison de l'insécurité. Le pays est par ailleurs affecté par une insécurité alimentaire", estime Anne Tréhondart.
Parmi les dix pays les plus négligés au monde, huit sont donc africains : outre le Cameroun, on retrouve l’Éthiopie, le Mozambique, le Burkina Faso, le Mali, l’Ouganda, la RDC et la Somalie. Le Honduras et l’Iran font également partis de la liste.