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Allemagne : 615 personnes à risque pour la sûreté de l'Etat

Matthias von Hein | Hugo Flotat-Talon
10 novembre 2020

Alors que l'Europe vient de connaitre plusieurs attentats islamistes, l'Allemagne surveille elle aussi ses ressortissants dangereux.

615 personnes sont considérées comme "Gefährder" en Allemagne
615 personnes sont considérées comme "Gefährder" en AllemagneImage : picture-alliance/dpa/S. Pförtner

Attentat à Vienne en pleine rue ces derniers-jours, attaque islamiste présumée en Allemagne début octobre dans la ville de Dresde, en région parisienne devant une école, devant un journal, dans une église...L'Europe enregistre une nouvelle vague d'attentats islamistes depuis plusieurs semaines.

Dans tous les pays, les services de renseignements et de sécurité sont en alerte maximale. En Allemagne aussi. Selon un dernier point présenté par les autorités, au 1er septembre, 615 personnes sont surveillées de très près, considérées comme "Gefährder", "à risque pour la sûreté de l'Etat". Les autorités considèrent que la "menace pour l'Allemagne reste à un niveau élevé. L'Allemagne reste une cible directe pour les organisations terroristes". Le rapport 2019 sur la protection de la Constitution, publié début juillet, mentionne plusieurs plans d'attaque déjoués, mettant en lumière une nouvelle fois cette menace.

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Qui est considéré comme "Gefährder" ?

Le terme allemand "Gefährder" vient du milieu policier. Mais il existe désormais une définition précise, utilisée à l'échelle nationale. "Un Gefährder est une personne pour qui certains faits justifient des crimes à motivation politique d'une grande importance".
Mais en Allemagne, ces personnes dangereuses ne peuvent être placées en détention tant qu'elles ne sont pas passées à l'acte ou été condamnées. Le droit allemand se base sur les actes, et non sur l'attitude ou la dangerosité. En revanche, le fait d'appartenir à un groupe terroriste est considérée comme une infraction pénale et il est également interdit de "préparer et soutenir une infraction grave qui constitue une menace pour l'État". 

L'Allemagne a aussi connu récemment des attentats d'extrême-droite, comme celui de Halle contre une synagogue, en octobre 2019Image : Hendrik Schmidt/dpa-Zentralbild/picture-alliance

Il y a les très dangereux... Et les autres 

En plus des 615 personnes les plus à risque, les autorités allemandes surveillent aussi plus de 500 "relevante Personen", des personnes "importantes", ou "pertinentes", pourrait-on traduire en français. Il peut s'agir de dirigeants, de sympathisants ou d'autres acteurs des milieux terroristes. Mais cela concerne aussi des personnes très proches des "Gefährder", qui ne sont pas impliquées directement dans leurs activités mais ont des liens étroits avec eux. Au 1er juillet, 109 des quelque 300 djihadistes du groupe Etat Islamique qui sont rentrés en Allemagne depuis la Syrie et l'Irak ont été répertoriés comme "Gefährder" et 90 comme des "relevante Personen". 

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Le gouvernement fédéral estime que le terrorisme islamiste en Allemagne peut s'appuyer sur un potentiel d'un peu moins de 30.000 personnes. La majorité, soit 12.000 personnes, vient du milieu salafiste qui continue de constituer le fondement du djihadisme violent.

Comment agissent les autorités allemandes ? 

Chaque personne est évaluée individuellement par les autorités de sécurité. Différentes mesures peuvent alors être prises. Mais les autorités policières sont très réticentes à fournir des informations sur la liste de celles-ci. Cela peut être une surveillance technique, par les communications par exemple, ou une surveillance permanente par les forces de police. Parfois, lorsqu'une personne est approchée par la police, elle est informée de la surveillance et quant au fait que les forces de sécurité prennent la situation au sérieux. La surveillance permanente en très couteuse : selon l'Office pour la protection de la Constitution, il faudrait 25 à 30 policiers pour une personne concernée. Elle n'est donc effectuée que dans des cas très précis. 

La ville de Dresde a été victime d'une attaque islamiste présumée le 4 octobre dernierImage : picture-alliance/dpa/R. Michael

Le 4 octobre, dans le centre-ville de Dresde en Allemagne, un touriste allemand de 55 ans était assassiné à coups de couteau. Un autre Allemand de 53 ans était grièvement blessé. L'auteur présumée, arrêté depuis, était sous étroite surveillance. Ce Syrien était arrivé en Allemagne au plus fort de la crise migratoire en 2015 et avait déjà fait l'objet de condamnations pénales pour actes de violence et pour avoir tenté de recruter des soutiens à "une organisation terroriste", selon le parquet de Dresde. Mais la surveillance 24 heures sur 24 avait été supprimée. L'homme devait se présenter tous les jours à la police mais ses achats de couteaux deux jours avant son passage à l'acte avaient échappé aux autorités. 

Certaines personnes sont-elles expulsées ? 

Comme dans d'autres pays, les discussions sur l'expulsion des personnes en danger sont un thème récurrent et le sujet revient sur le devant la scène après les attentats récents. Après le meurtre au couteau à Dresde, par exemple, le ministre de l'Intérieur Horst Seehofer a dit "préconiser vivement" que les autorités allemandes vérifient s'il n'était pas possible d'expulser certaines personnes vers la Syrie. Une interdiction d'expulsion vers le pays est en vigueur jusqu'à présent. Mais outre la question de savoir s'il est moralement justifiable d'expulser des personnes qui n'ont pas été légalement condamnées vers une zone de guerre, les expulsions vers la Syrie posent de nombreux problèmes pratiques. Tout d'abord, Berlin n'a pas de relations diplomatiques avec Damas. Il n'y a pas de canaux officiels avec les autorités locales. Des expulsions sont tout de même menées régulièrement. Jusqu'à fin 2019, 93 "Gefährder" ou "relevante Personen" ont été expulsées. Mais ces expulsions sont souvent difficiles et longues. 

Le ministre de l'intérieur allemand a évoqué l'idée d'expulsions vers la Syrie, interdites en ce momentImage : Daniel Kubirski/picture-alliance

C'est ce que montre par exemple le cas Anis Amri, l'assassin de la Breitscheidtplatz à Berlin, le plus grave assassinat islamiste en Allemagne à ce jour avec 12 morts en décembre 2016. Les autorités allemandes, qui étaient prêtes à l'expulser, n'avaient pas réussi à obtenir tous les documents nécessaires. L'homme voyageait avec au moins 14 identités différentes et il fallait certains papiers, de Tunisie par exemple, arrivées quelques jours après l'attaque. Enfin une difficulté subsiste : beaucoup des personnes considérées comme "Gefährder" ont un passeport allemand.

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