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Des femmes victimes de Boko Haram témoignent

Marc Dugge | Sandrine Blanchard
3 janvier 2020

En dix ans d'existence, la secte islamiste Boko Haram a enlevé de nombreuses jeunes filles. Difficile pour elles de surmonter ce traumatisme.

Nigeria 65 Menschen von Islamisten der Gruppe Boko Haram getötet
Dans le camp de déplacés de DaloriImage : AFP/A. Marte

Cela fait maintenant plus de dix ans que le groupe Boko Haram sème la terreur dans le nord du Nigeria et les régions alentours.

Une décennie durant laquelle les terroristes islamistes ont procédé à de nombreux enlèvement de (parfois très) jeunes filles pour les contraindre au mariage avec des combattants.

Certaines d'entre elles, devenues des femmes, ont pu réchapper des griffes de Boko Haram et raconter leur calvaire. Mais leur réintégration dans la société nigériane est elle aussi souvent semée d'embûches.

"Il fallait leur obéir"

Fatimah Umar se souvient parfaitement de l‘entrée de Boko Haram dans son village. Elle raconte: 

"Ils nous ont alors conduits dans la brousse, pour plusieurs jours. Ils nous disaient qu'il fallait qu'on obéisse à leurs ordres et ne nous autorisaient pas à rentrer chez nous. On est resté un bout de temps avec eux et puis on a réussi à s'enfuir à travers bois en direction du Cameroun avant de revenir à Maiduguri."

Ses voisins ont été nombreux à fuir, laissant leurs femmes et leurs enfants derrière eux. Des victimes vulnérables livrées au bon vouloir des combattants armés de la secte islamiste.

Village de Bilabulin après une attaque de Boko HaramImage : Reuters/K. Adewale

Esclaves sexuelles et kamikazes

Maiduguri, capitale de l'Etat du Borno, dans le nord-est du Nigeria, ne se situe pas très loin de la frontière avec le Tchad. C'est l'épicentre de l'action des terroristes de Boko Haram.

Aïcha Umar, du village de Kirawa, près de Maiduguri, a elle aussi été kidnappée par le groupe armé.

"Je suis restée douze mois chez eux, c'était un vrai cauchemar. Ils nous ont forcées à faire plein de choses, y compris à les épouser. Regarde ma main, tu  vois, là, ils me l'ont cassée, quand j'ai essayé de m'enfuir."

Aïcha a vu des membres de Boko Haram tuer des hommes, et des femmes, qui refusaient de leur obéir.

De nombreuses filles n'ont pas seulement été réduites en esclavage sexuel, elles ont aussi été utilisées comme kamikazes pour des attentats.

L'armée nigériane et ses alliés ont réussi ces dernières années à frapper de grands coups contre Boko Haram et le mouvement s'est affaibli. C'est pourquoi de nombreuses femmes retenues en otages ont pu être libérées et conduites dans des camps d'accueil.

Ce soldat a inspecté une maison soupçonnée de servir de cache à un militant de Boko HaramImage : Reuters/J. Penney

Certaines sont des engagées volontaires

L'ONG International Crisis Group a constaté que certaines de ces femmes avaient rejoint le mouvement de leur propre chef, parce qu'elles pouvaient s'identifier à l'idéologie prônée par Boko Haram.

Ou parce qu'on leur avait raconté que les femmes de Boko Haram étaient mieux traitées que la plupart de leurs congénères dans la région.

Ce qui n'est pas tout-à-fait faux puisque celles qui ont gagné volontairement les rangs de l'organisation sont considérées comme des combattantes et traitées avec respect. Et les époux qui les trahissent sont durement sanctionnés.

Il est donc difficile de distinguer, parmi les femmes sorties de Boko Haram les victimes traumatisées de celles qui ont adhéré à l'idéologie de la secte. Vincent Foucher, chercheur de l'ICG, explique que même après  leur libération, la réinsertion pour ces femmes n'est pas facile, car "beaucoup de gens ne [leur] font pas confiance". Certaines ont été répudiées par leur famille. "Et comme elles sont exclues, elles sont exposées à tous les mauvais traitements. Il y a des cas où ces femmes ont été violées par des soldats ou des civils après leur libération. C'est un gros problème", note le chercheur.

Enlevées par Boko Haram, ces jeunes filles ont retrouvé la liberté Image : Reuters/O. Lanre

Mauvaises conditions de vie dans les camps d'accueil

Dans les camps d'accueil, les conditions de vie sont mauvaises. L'hygiène y est déplorable, il n'y a pas assez à manger et les perspectives sont bouchées. La ministre nigériane de la Femme, Pauline Tallen, promet de "rendre visite à des familles dont les enfants ont été libérés et puis à d'autres dont les enfants sont toujours retenus prisonniers. C'est tout en haut de mon agenda."

Le temps presse: certaines des femmes qui ont recouvré la liberté se retrouvent tellement démunies qu'elles affirment qu'elles seraient prêtes à se rendre de nouveau dans un camp de Boko Haram.

De leur plein gré. 

 

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