Des questions sur la présence russe aux côtés de la junte
25 août 2020Les discussions se sont achevées lundi (24.08.20) entre la Cédéao et la junte au pouvoir au Mali. L’organisation sous-régionale doit tenir une réunion mercredi sur la crise dans le pays, pour un renforcement ou non des sanctions. A l’issue des discussions lundi, aucun accord n’a été trouvé sur l’après Ibrahim Boubacar Kéïta.
Selon le médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, Goodluck Jonathan, l’organisation sous-régionale ne va rien imposer au Mali. "Qu’il s’agisse d’un gouvernement élu ou une transition, c’est aux Maliens de le décider", a expliqué l’ancien président nigérian.
De son côté, le porte-parole du comité national pour le salut du peuple (CNSP), Ismaël Wagué, a fait savoir que "la décision finale de l’architecture de la transition, de tout ce qui va se faire, cela sera entre nous Maliens". Rien n’est encore arrêté ni décidé, selon l’armée.
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Remerciements à l’endroit de Moscou
En fin de semaine dernière, l’Ambassadeur de Russie Igor Gromyko a été reçu en audience par les militaires qui se sont emparés du pouvoir. Il est ainsi le tout premier diplomate étranger en poste à Bamako à avoir été reçu par les putschistes. En dehors de l'audience accordée à l'ambassadeur russe à Bamako, Moscou a reçu des remerciements lors de la mobilisation vendredi (21.08.20) sur la place de l'indépendance.
Ainsi, certains manifestants ont dit préférer une interaction avec la Russie et la Chine, plutôt qu'avec la France.
Par ailleurs, Assimi Goita, le chef du CNSP, revient juste d'une formation en Russie, tandis qu'un autre parmi les putschistes est attendu à Moscou pour une formation.
Pour Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), "Il n'est pas étonnant que deux des Colonels qui ont fait partie du putsch, précisément, le Colonel Sadio Camara, qui revenait donc d'une formation d'un an au Collège militaire supérieur de Moscou et un autre des putschistes, en l'occurrence, le Vice-président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), le Colonel Malick Diaw, qui lui-même était retenu pour repartir en septembre (en Russie, ndlr)."
"D'ailleurs, poursuit M. Dupuy, on peut rappeler que sur les cinq membres du G5 Sahel (Mauritanie, Tchad, Burkina Faso, Mali, Niger), quatre des pays ont signé des accords de défense avec la Russie."
Pour sa part, la journaliste et spécialiste de l’Afrique, Sadio Morel-Kanté explique: "L’ambition de la Russie est de réduire ou d’occuper des espaces des occidentaux en Afrique francophone. Le Mali a besoin de la Russie. Le Mali a besoin de diversifier ses partenaires."
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En effet, sur les cinq pays membres du G5 Sahel, seule la Mauritanie n’a pas signé d’accord de défense et de coopération militaire avec la Russie.
Moscou et Bamako : une longue histoire
Selon Fatoumata Coulibaly, enseignante-chercheuse à l'Université des sciences sociales et de gestion de Bamako, les relations entre le Mali et la Russie sont anciennes.
"Ca ne date pas d'aujourd'hui. Ça nous renvoie aux années 1960, lors de l'indépendance du Mali. De 1960 à 1968, il y avait un vrai partenariat entre le Mali et la Russie. Et justement, pour faire un parallèle avec les évènements récents, quand les Maliens sont sortis en janvier dernier pour demander le départ des forces étrangères au Mali, leur objectif, c'était le retour de la Russie."
Mais l’effondrement de l’URSS en 1991 a mis un terme à cette coopération. Coopération qui a été relancée le 26 juin 2019, avec la signature des accords de défense et de coopération militaire entre les deux pays. Ils prévoient l’équipement par Moscou des forces armées maliennes, les FAMA.
Un ancien ministre malien, qui a requis l’anonymat, note que "le soutien de la Fédération de Russie est vital pour renforcer la stabilité du Mali et la sous-région. L’appui en formation et en équipement militaire, le partage de renseignements et d’expérience avec les forces africaines engagées sur ce front seront d’une grande utilité".
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