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Au Tchad, on réagit au départ prévu de l'armée française

Blaise Dariustone | Carole Assignon
29 novembre 2024

Certains Tchadiens voient dans la décision annoncée par leur gouvernement, le signe d'une brouille profonde entre N’Djamena et Paris.

Soldats français à Menaka au Mali, il y a quelques années
Le Tchad constituait jusqu'ici le dernier point d'ancrage de Paris au SahelImage : EtatMajordes Armées

Plusieurs désaccords seraient à l’origine de la décision annoncée par le gouvernement tchadien, selon des observateurs de la scène politique franco-tchadienne.

Tout d’abord, N’Djamena serait mécontente de la France et de l'Union Européenne en raison de leur manque de soutien financier aux processus électoraux dans le pays.

De son côté, Paris verrait mal le rapprochement du Tchad avec la Russie et les Emirats arabes unis. C’est ce qu’explique François Djekombé, le président du parti Union sacrée pour la République et par ailleurs, l’un des chargés de communication du président Mahamat Idriss Déby, lors de la dernière campagne présidentielle.

"L'Union européenne n'avait pas financé la présidentielle du 6 mai 2024 et je crois qu'il en sera de même pour les futures élections (législatives et locales). Donc il y a une sorte de méfiance du Tchad vis-à-vis de la France et de l'Union européenne. Et vu le rapprochement du Tchad avec la Russie, ou d'autres acteurs comme la Turquie, c'est quelque chose qui n'a pas plu aux autorités françaises. Donc la France avait demandé des clarifications. Cela pourrait être considéré comme une sorte d'interférence, une fois de plus, dans les affaires intérieures du Tchad. Il y avait des frustrations de part et d'autre."

Réactions au départ prévu de l'armée française du Tchad (audio)

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"Nous sommes contre toute force étrangère"


La décision annoncée par le gouvernement, est saluée par certaines organisations de la société civile, opposées à la présence militaire française au Tchad.

Mais celles-ci avertissent que la souveraineté du Tchad ne signifie pas remplacer la France par une autre puissance. 

"Nous étions les premiers à organiser une manifestation franche contre la politique française au Tchad. Nous avions fait une tournée en Europe, notamment en France, où nous avions vu les autorités françaises pour leur faire comprendre combien elles étaient dans l'erreur de soutenir un régime qui opprime son peuple. Nous sommes contre toute force, d'où qu'elle vienne, qui aiderait un régime à opprimer le peuple tchadien", estime Max Loalngar l’un des porte-paroles de la coalition citoyenne Wakit Tama.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’internautes se disent pour leur part sceptiques quant à l’application stricte de cette décision. D’autres évoquent aussi un chantage des autorités tchadiennes vis-à-vis de la France.

Un retrait en Afrique qui était déjà sur la table

Si l'annonce de N’Djamena a suscité la surprise, cela fait toutefois des années que Paris étudie un plan de diminution des troupes françaises déployées en Afrique.
Avec des bases militaires dans des pays comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou encore le Gabon, la France reste la seule ancienne puissance coloniale ayant toujours des troupes sur le territoire de ses anciennes colonies. 
Une présence militaire de plus en plus contestée. La France a été sommée de quitter le Mali, le Burkina Faso, le Niger et maintenant le Tchad.
Ce dernier pays était pourtant l'élément central du déploiement militaire de la France au Sahel. 
Mais bien avant ces retraits consécutifs, Paris avait déjà évoqué une réduction de ses effectifs militaires sur le continent, notamment pour des raisons budgétaires. 
 En 2013, un rapport du Sénat français rappelait le poids financier des opérations en Afrique : le continent représentait alors 70% du budget militaire " finançant une présence ou des opérations hors du territoire national " et la moitié des effectifs humains déployés hors de France. 
Ce même rapport rappelait que déjà, en 2008, le Livre blanc sur la défense nationale, chargé de tracer les grandes lignes de la future politique militaire, indiquait la volonté de la France de réduire sa présence sur le continent, en se concentrant sur Djibouti, Libreville et N’Djamena.L'idée d’une réduction des effectifs et du retrait de certains pays ne date donc pas d'hier, mais ce plan s'est heurté à la situation au Sahel, ce qui a entrainé un départ plus rapide que prévu dans certains pays. Des pays auxquels vient s'ajouter le Tchad, alors que Paris est encore en train de peaufiner sa nouvelle stratégie africaine
Dans un rapport remis le 25 novembre dernier au président français Emmanuel Macron par Jean-Marie Bockel, son envoyé personnel, il était encore question de la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique.
La France prévoirait ainsi d'abaisser fortement les forces prépositionnées dont elle dispose sur ses emprises militaires. Lors d'une audition devant les députés de la Commission de la défense, le 6 novembre, l'envoyé personnel d'Emmanuel Macron avait confirmé les réductions sans donner de chiffres, les données étant, selon lui, classifiées.
En Afrique de l’Ouest, Paris souhaiterait ne conserver qu'un détachement de liaison permanent et adapter l'offre de coopération militaire aux besoins exprimés par les pays concernés.

En 2013, un rapport du Sénat français rappelait le poids financier des opérations en Afrique Image : Frederic Petry/Hans Lucas/picture alliance
Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais
Carole Assignon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique