Au Soudan, la faim et des craintes exactions à El-Facher
28 octobre 2025
L'armée soudanaise a reconnu la défaite de ses troupes à El-Facher, ville clé de l'ouest du Soudan. Dans un discours télévisé, le général Abdel Fattah al-Burhane a affirmé que ses troupes se sont retirées "vers un lieu plus sûr" et que son camp "se vengera" et se battra "jusqu'à purifier cette terre".
Après 18 mois de siège, El-Facher était la dernière ville de la vaste région du Darfour encore hors du contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), en guerre depuis avril 2023 contre l'armée.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk, a pointé la situation "extrêmement précaire" et "un risque croissant d'atrocités motivées par des considérations ethniques".
Son bureau a reçu des rapports faisant état "d'exactions, notamment des exécutions sommaires" commis par les FSR, souligne un communiqué.
Le contrôle du Darfour
Selon Amnesty International, "les informations qui nous parviennent d'El Fasher sont terrifiantes. Les FSR doivent immédiatement mettre fin aux attaques contre les civils et les infrastructures civiles et autoriser l'acheminement de l'aide humanitaire dans la ville. Elles doivent également garantir un passage sûr aux civils qui tentent de fuir les violences."
Les Forces conjointes, alliées de l'armée, ont accusé les FSR d'avoir exécuté "plus de 2.000 civils désarmés" les 26 et 27 octobre, "pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées".
Leur victoire confirmée, les paramilitaires espèrent contrôler l'ensemble du Darfour, où existe déjà une administration parallèle défiant le pouvoir d'al-Burhane basé à Port-Soudan (est). Avec un risque accru de partition du pays, selon les experts.
"Le niveau de souffrance que nous voyons au Soudan est intolérable", a déclaré lundi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, mettant en garde contre "une terrible escalade du conflit".
En écho des Nations unies, l'Union africaine a condamné mardi (28.10) "les graves violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, y compris les crimes de guerre présumés et les meurtres de civils ciblés en raison de leur appartenance ethnique".
Black-out médiatique
Les communications satellite Starlink, seul réseau encore opérationnel mais contrôlé par les FSR, ont été coupées, laissant EL-Fasher ville dans un "black-out médiatique", selon le Syndicat des journalistes soudanais.
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'est indigné contre l'attaque du seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville.
"Nous ne sommes pas en mesure d'acheminer l'aide humanitaire, ni de livrer des produits nutritionnels ou de soutenir les hôpitaux et les cliniques" de la ville, a déploré Denise Brown, coordinatrice humanitaire de l'Onu au Soudan, dans un briefing à New York.
Selon les Nations unies, plus d'un million de personnes ont fui la ville depuis le début de la guerre et les quelque 260.000 habitants d'El-Facher, dont la moitié sont des enfants, manquent de tout. Depuis dimanche (26.10), plus de 26.000 personnes ont fui les combats, majoritairement en périphérie de la ville, d'autres à Tawila, à 70 kilomètres à l'ouest, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). L'agence estime que quelque 177.000 civils se trouvent encore dans la ville et ses environs.
Le rôle des soutiens étrangers dans le conflit
La perte d'El-Facher marque un "tournant" pour l'armée et montre que "la voie politique est la seule option pour mettre fin à la guerre", a pour sa part déclaré le conseiller présidentiel émirati Anwar Gargash sur X, en appelant à ratifier le plan du groupe dit du "Quad" réunissant les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, l'Egypte et les Emirats.
Ce plan prévoit la formation d'un gouvernement civil de transition en excluant à la fois le gouvernement pro-armée actuel et les FSR de la transition politique post-conflit. Ce que le pouvoir pro-armée refuse.
La situation est d'autant plus complexe que les belligérants bénéficient chacun de soutiens étrangers cherchant à peser sur un pays riche en or, traversé par le Nil et bordé par la mer Rouge.
Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'Onu, tandis que l'armée a bénéficié de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient toute implication.
"Nous craignons qu'il y ait des tentatives de division du Soudan", a déclaré l'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, à la télévision Skynews.