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Elections européennes, le virage à droite

10 juin 2024

La droite modérée et l'extrême-droite sortent vainqueurs de l'élection européenne 2024.

A Baleni, en Roumanie, une petite fille sort de derrière un isoloir dont le rideau représente le drapeau européen (9 juin 2024)
De nouveaux équilibres politiques se dessinent en EuropeImage : Andreea Alexandru/AP Photo/picture alliance

Entre jeudi et hier [09.06.24], plus de 360 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour désigner les 720 députés du Parlement européen.

Ces élections européennes ont été marquées par un taux de participation en hausse : 64,8% des électeurs ont voté, soit 3,4% de plus que lors des élections de 2019.

Mais ce scrutin scelle aussi un net virage à droite. Le groupe démocrate-chrétien du Parti populaire européen est conforté comme première force politique au sein du Parlement européen. Et dans de nombreux Etats membres de l'Union européenne, l'extrême droite enregistre une progression importante. L'Allemagne ne fait pas exception.

Sanction des partis au pouvoir

Les élections européennes ont été l'expression d'un mécontentement vis-à-vis des pouvoirs en place dans plusieurs pays.

En Allemagne, les trois partis de la coalition gouvernementale, SPD, écologistes et FDP, sont en perte de vitesse, largement devancés par la CDU/CSU qui remporte environ 30% des suffrages et l'AfD ; le parti d'extrême-droite arrive, en deuxième place avec 16% des voix, contre 13,9% pour le SPD du chancelier Olaf Scholz, 11,9% pour les Verts et 5,9% pour le FDP.

Malgré le mauvais score du SPD et de ses alliés de la coalition gouvernementale, le chancelier Olaf Scholz exclut des élections anticipées en AllemagneImage : Michael Fischer/dpa/picture alliance

La percée du RN de Marine Le Pen

La grande surprise de la soirée électorale est la victoire du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, en France. Avec plus de 31% des voix, le RN obtient deux fois plus de suffrages que le parti Renaissance d'Emmanuel Macron, suite à quoi le chef de l'Etat a décidé de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer dans trois semaines des législatives anticipées.

Gabriele Abels, politologue de l'Université de Tübingen, en Allemagne, analyse ces résultats par "d'abord par des thèmes de politique intérieure, et un sentiment d'incertitude. Et puis il y a aussi le ressenti de la situation économique, de la menace terroriste, la question de l'Ukraine. Donc toute une série d'incertitudes qui ont éclipsé les thématiques européennes que Macron a échoué à imposer et qui ont trouvé un écho dans la stratégie du Rassemblement national – en premier lieu celle de Marine Le Pen, d'ailleurs – destinée à dédiaboliser du parti."

Les deux présidents de l'AfD, Alice Weidel (au milieu) et Tino Chrupalla (à sa droite sur la photo) célèbrent l'arrivée de leur parti en 2è position en AllemagneImage : Jörg Carstensen/dpa/picture alliance

La droite populiste a le vent en poupe dans plusieurs pays

En Italie, le parti de droite populiste Fratelli d'Italia, de la Première ministre Giorgia Meloni, conforte son avance en tête avec 29% des voix. Succès aussi du FPÖ en Autriche (près de 26% des suffrages exprimés, un point devant la droite conservatrice).

En Hongrie, la Fidesz de Viktor Orban se maintient en première place du scrutin, en dépit d'une perte d'environ huit points par rapport aux élections européennes de 2019.

Au Portugal, le parti Chega n'arrive qu'en troisième place (9,8%), derrière la gauche socialiste d'opposition et la coalition de droite modérée au pouvoir.

En Slovénie et en République tchèque aussi, deux partis liés à celui de Viktor Orban en Hongrie ont remporté les élections.

Des rassemblements spontanés se sont mis en place en France pour protester contre la montée de l'extrême-droite Image : Raphael Lafargue/abaca/picture alliance

Blocs hétéroclites

Toutefois, les partis d'extrême-droite européens diffèrent d'un pays à l'autre, du fait de leur histoire, de leurs traditions. D'ailleurs, deux groupes politiques rassemblent les partis d'extrême-droite et de droite populiste au Parlement européen et les partis optent, selon les pays, des positionnements stratégiques différents.

Une nuance qu'apporte Jana Puglierin, du European Council on Foreign Relations, au micro de nos confrères de Deutschlandfunk :

"Fratelli d'Italia et l'AfD n'ont par exemple pas du tout la même perception de la Russie. Le parti de Giorgia Meloni a soutenu les sanctions contre la Russie, son parti prône les relations transatlantiques. L'AfD pas du tout. Mais je crois que la différence fondamentale entre ces partis d'extrême-droite, c'est que certains veulent intégrer le système, sont prêts à s'allier au centre-droit pour gouverner, tandis que d'autres préfèrent rester à l'extérieur et se conçoivent comme des empêcheurs de tourner en rond."

Vote anti-système ?

L'extrême-droite est parvenue à imposer ses thèmes de prédilection tels que la sécurité ou l'immigration dans le débat public, au détriment par exemple de l'environnement.

Une partie des électeurs ont dans l'idée que voter pour ces partis, c'est aussi voter contre un système politique dans lequel ils ne se retrouvent plus, et bousculer l'ordre établi.

En Allemagne, 16% des jeunes de 16 à 24 ans ont voté pour l'AfD, en dépit des scandales qui ont émaillé sa campagne et de l'exclusion de ses élus du groupe Identité et démocratie, sous l'impulsion du Rassemblement national.

Ursula von der Leyen (CDU) espère rempiler à la tête de la Commission européenneImage : Geert Vanden Wijngaert/AP/dpa/picture alliance

Ursula von der Leyen candidate du camp conservateur

Certains sont prêts, comme Fratelli d'Italia, à soutenir une nouvelle candidature d'Ursula von der Leyen (CDU) à la présidence de la Commission européenne. D'autres pas, à l'instar du PiS polonais.

A noter que le "virage à droite" opéré par les électeurs d'Europe centrale et occidentale ne s'observe pas dans les mêmes proportions en Europe de l'Est ou dans les pays baltes.

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