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Expulser vers la Syrie, malgré le chaos et les dangers

Kersten Knipp
3 septembre 2024

Une partie de la classe politique allemande veut expulser des personnes jugées criminelles et dangereuses vers la Syrie ou encore l'Afghanistan.

Un avion dans le ciel, symbolisant les expulsions
Le gouvernement allemand a expulsé le 30 août 28 condamnés afghans, pour la première fois depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021Image : Sebastian Gollnow/dpa/picture alliance

En Allemagne se déroulait ce mardi (03.09) un sommet sur la politique migratoire, entre le gouvernement, l'union des partis conservateurs et les représentants des régions. Berlin cherche des réponses à l’attentat au couteau de Solingen, qui a fait trois morts et dont l’auteur présumé est un demandeur d’asile syrien en attente d'expulsion.

Les conservateurs, tout comme l’extrême-droite, prônent notamment un renvoi des "criminels dangereux" vers la Syrie, mais aussi l’Afghanistan, après une autre attaque à l’arme blanche perpétrée par un Afghan fin mai.

Or, en Afghanistan, les talibans ont très largement réduit les espaces de liberté dans un pays au bord de la catastrophe humanitaire et la guerre fait toujours rage dans une Syrie dévastée.

La coalition au pouvoir étudie la possibilité de reprendre les expulsions de délinquants vers la SyrieImage : picture alliance/dpa

La Syrie partagée en quatre zones

La Syrie est actuellement divisé en quatre territoires dont la majeure partie, près de 60%, est contrôlée par le régime de Bachar al-Assad.

Une petite zone dans le nord-ouest est sous la domination du groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham et la Turquie contrôle deux espaces bordant directement son territoire. Le nord-est, en revanche, est principalement gouverné par les forces kurdes.

Aucune de ces quatre régions n'offre de sécurité, explique André Bank de l'Institut allemand d'études mondiales et régionales (Giga). "De mon point de vue, les expulsions vers les quatre régions sont actuellement interdites", estime le politologue.

La répression du régime syrien

Environ 9,6 millions de personnes vivent dans la partie de la Syrie dirigée par le clan al-Assad, "l'un des régimes les plus répressifs au monde", qui pratique les disparitions forcées, les détentions arbitraires et la torture. Damas refuse également de fournir des informations sur le sort de plus de 125.000 prisonniers.

Il existe des cas de réfugiés syriens expulsés du Liban et qui ont disparu après avoir franchi la frontière syrienne, assure Carsten Wieland, expert du Moyen-Orient, dans une interview à la DW. "Ils ont probablement été arrêtés par l'un des services secrets et peut-être été torturés ou tués. Toute une série de cas de personnes disparues ont été documentés".

Des centaines de milliers de Syriens sont réfugiés au Liban voisinImage : Muhammed Said/AA/picture alliance

Par ailleurs, le fait que des centaines de milliers de réfugiés syriens préfèrent vivre dans des conditions misérables dans des camps au Liban, ou en Jordanie, plutôt que de rentrer chez eux, semble également être un indicateur des craintes liés au retour.

"Leur souci n’est pas de ne pas pouvoir retrouver une vie normale en Syrie. Ils craignent pour leur vie et leur intégrité physique", résume Carsten Wieland.

Au Nord, djihadistes, frappes aériennes russes et exactions

La situation à Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, n'est guère meilleure. Environ trois millions de personnes vivent dans la région, contrôlée par l'organisation djihadiste Haiat Tahrir al-Sham, qui impose des restrictions draconiennes aux femmes et poursuit tout dissident.

Quasiment toute la population dépend des aides des Nations unies. Plus de 80 % de la population n'a pas un accès suffisant à l'eau potable, à l'assainissement et au traitement des déchets, avec un risque élevé de propagation des maladies infectieuses, d’après une étude du Giga.

L'armée turque mène régulièrement des frappes dans le nord de la Syrie contre les zones contrôlées par les KurdesImage : Ammar Ghali/Anadolu/picture alliance

Les zones contrôlées par les djihadistes sont la cible des frappes aériennes russes, alors que Moscou soutient Bachar al-Assad. Ces bombardements se sont intensifiés depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas. 
Entre octobre et décembre 2023, environ 160.000 personnes ont été déplacées dans le nord-ouest, souvent pour la deuxième ou la troisième fois.

Même dans la zone contrôlée par la Turquie, dans le nord-est, les quelque 2,1 millions de personnes, y compris les réfugiés syriens qui ont depuis été expulsés de Turquie, ne vivent pas en sécurité. L’ONG Human Rights Watch a documenté de nombreuses attaques de l'Armée nationale syrienne, qui rassemble des groupes rebelles soutenus par la Turquie.

Aucune région n'est sûre

Enfin, la région sous contrôle des forces kurdes, le Kurdistan syrien ou Rojava, est également le théâtre de combats contre l’armée turque et des groupes liés à l’Iran. Les opposants politiques au pouvoir kurde risquent la prison, la torture ou sont victimes d’exécutions extrajudiciaires.

En conclusion, aucune région de la Syrie ne peut être qualifiée de sûre, défend l’étude du Giga. Idem pour l’expert Carsten Wieland : "A la question de savoir si la Syrie est un pays sûr, je répondrais sans équivoque non pour les quatre régions."