Facebook souffle ses 20 bougies
2 février 2024Avec plus de trois milliards de personnes qui sont actives sur leur page Facebook au moins une fois par mois, soit plus d'une personne sur trois sur terre, il s'agit de l'un des plus grand réseau social au monde.
Facebook, c'est une histoire qui a commencé de manière inoffensive. Aux débuts de la révolution numérique, lorsque internet promettait transparence et participation. Alors que les médias traditionnels fonctionnaient selon le modèle "un communiquant avec plusieurs", cette nouvelle forme de communication " tous avec tous " semblait apporter plus de liberté, de participation et de démocratie.
Une image altruiste
Facebook était un réseau social populaire où on pouvait trouver rapidement des personnes partageant les mêmes idées, partager ses photos de vacances et rester au courant de ce que faisait son cercle d'amis.
"Au début, Google et Facebook avaient une image d'eux-mêmes très altruiste : ils voulaient renforcer la mise en réseau des personnes et donc du monde. Les hommes sont des créatures sociables et ce que ces plateformes ont réalisé, aucun autre média auparavant ne l'avait fait. Elles nous permettent d'être en réseau avec d'autres personnes à des niveaux différents, de participer à la vie des autres" se souvient ainsi Martin Emmer, spécialiste des médias à Berlin au sujet des débuts de Facebook.
Un réseautage aux conséquences considérables. Par exemple, les bouleversements du Printemps arabe, en 2011, qui a porté de grands espoirs, a été parfois qualifiés de "révolution Facebook" en raison du rôle du réseau social dans l'organisation des manifestations et de la résistance.
Facebook, avec le développement rapide du smartphone, a offert la satisfaction d'un besoin humain séculaire au plus haut niveau technologique. Cependant, les utilisateurs paient deux fois : avec leurs données personnelles et avec leur attention.
Les annonceurs sont disposés à dépenser de l'argent pour pouvoir cibler de manière très spécifique des clients potentiels. C'est pourquoi les opérateurs de plateforme collectent autant de données que possible auprès de leurs utilisateurs.
Forts de leur pouvoir de communication, les réseaux sociaux peuvent également être utilisés à des fins politiques. En 2016, des allégations ont émergé selon lesquelles la Russie aurait utilisé Facebook pour influencer le résultat de l'élection présidentielle. Deux ans plus tard, Facebook était impliqué dans le scandale Cambridge Analytica : l'entreprise avait évalué les données d'environ 50 millions de profils Facebook, en grande partie à l'insu de ses utilisateurs. Influer sur le comportement des électeurs grâce à des messages extrêmement personnalisés. Et les groupes "Stop the Steal" sur Facebook ont également joué un rôle dans les élections américaines de 2020 et dans la légende des élections volées répandue par Donald Trump.
Super année électorale 2024
2024 est une super année électorale. Les citoyens des pays où vit plus de la moitié de la population mondiale se rendent aux urnes : en Inde et en Indonésie, au Pakistan et en Russie, dans l'UE et aux États-Unis. L'informaticien et critique technologique américain Jaron Lanier s'inquiète donc. Selon lui "Il y aura une augmentation des contrefaçons profondes grâce à l'intelligence artificielle et à d'autres nouvelles utilisations de la technologie pour manipuler les gens". Et l'expert pense que beaucoup de gens ne seront pas préparés à cela.
Jaron Lanier avait déjà mis en garde contre les dangers des réseaux sociaux en 2018 avec le livre Dix raisons pour lesquelles vous devez supprimer immédiatement vos comptes de réseaux sociaux. Il considère comme positif que de nombreuses personnes prennent lentement conscience de la façon dont elles sont manipulées.
Un contrôle difficile
Les dangers des médias sociaux sont désormais largement évoqués. Aux États-Unis par exemple on leur reproche notamment une protection insuffisante des enfants et des jeunes ce qui entraine une crise de santé mentale chez ces derniers.
Philipp Lorenz-Spreen, spécialiste des réseaux sociaux à Berlin, attire l'attention lui aussi sur l'impact de ces réseaux et la difficulté à les contrôler.
"Depuis 20 ans, nous avons effectivement laissé ce Web 2.0 se développer dans un sens presque purement commercial. Il y avait relativement peu de réglementation, peut-être aussi parce que les évolutions se sont produites extrêmement rapidement. La numérisation nous submerge dans de nombreux domaines et la réglementation prend bien sûr toujours du temps et nous sommes un peu en retard", déplore-t-il.
Depuis, les décideurs se sont réveillés et tentent de rattraper le retard dans la course face aux géants de la technologie. En 2022, l'Union européenne a adopté la loi sur les services numériques visant à supprimer plus rapidement les contenus dangereux.
En attendant de nouvelles réglementations, les réseaux sociaux continuent d'être très rentables. La société mère de Facebook, Meta, qui comprend également Instagram et WhatsApp, a gagné tellement d'argent grâce à la publicité au cours du dernier trimestre 2023 qu'elle a décidé de verser pour la première fois un dividende trimestriel à ses actionnaires.