Des Gabonais accueillent favorablement le putsch
30 août 2023Le Comité pour la transition et la restauration des institutions(CTRI), a annoncé tôt ce mercredi (30.08) l'annulation des élections, la dissolution de toutes les institutions de la République et la fin du régime d’Ali Bongo.
Cette déclaration est intervenue quelques minutes après l'annonce des résultats de l'élection présidentielle de samedi (26.08). Le Centre gabonais des élections a déclaré le président Ali Bongo Ondimba, au pouvoir depuis quatorze ans, vainqueur de ces élections à un tour avec 64,27% des suffrages exprimés. Son principal rival Albert Ondo Ossa n'a recueilli que 30,77% des voix.
Si ce coup d'Etat était une surprise pour certains Gabonais, d'autres se posent encore des questions comme Nathalie Mezo, chef d'entreprise, présidente du réseau "Femmes lève-toi" au Gabon.
Nathalie Mezo : Beaucoup d'interrogations pour certains, ce coup d’Etat est effectivement une mise en scène, pour d'autres c’est réel. Et à ce moment, est-ce que l'armée est unanime ? Ou bien il faut s’attendre à un risque de confrontation entre, par exemple, la Garde républicaine et les autres ? On ne sait pas du tout ce qui va se passer dans les heures qui suivent. Ce qui est certain, c'est que la population gabonaise a soif de changement. Et pour la plupart des gens, même si c'était l'armée, il y a un soulagement de se dire : peut-être enfin la fin de 60 ans de régime d'une famille, de dynastie familiale. C'est ça la première réaction des gens avec qui j'ai pu échanger.
DW : Comme vous l’avez dit, il y a des officiers, même de la Garde républicaine, est-ce que c'est un coût préparé selon vous ?
Nathalie Mezo : Ce serait très difficile de répondre, mais j'imagine qu'on pourrait difficilement arriver à ce niveau-là si le coup n'a pas été préparé. Si nous, les citoyens, nous le savons, ce n'est pas l'armée qui pouvait ignorer que le score serait donné en faveur, de toutes les façons, du président sortant. Cela a toujours été le cas et l'élection a toujours été ensuite contesté. Ça, je vous parle depuis les années déjà, 1993, mais ça a été encore plus virulent les quatorze, les deux derniers mandats de 2009 et 2016. Toutes les élections étaient contestées avec violence. Ce scénario était tout à fait prévisible et chaque fois, ça a été l'armée l'élément déterminant lorsque les populations contestent les résultats.
"C'est la libération "
Juste après l'annonce des militaires, des Gabonnais sont sortis, à pied ou en voiture, crier : "C'est la libération !" ou encore "Bongo dehors!". Au son des klaxons, ils ont salué et applaudi des policiers en tenue anti-émeutes au visage masqué. Nous avons pu joindre Annie Lea, ex-collaboratrice de l’opposant Jean Ping. Elle se trouvait dans la rue au centre de Libreville avec d’autres Gabonais.
C'est aussi un soulagement pour Samuel Ngoua Ngou, ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo.
Samuel Ngoua Ngou : Là, ne suis pas à Libreville, je suis à 624 kilomètres de Libreville. Je crois que, quand je vois les réactions autour de moi, les gens sont plutôt contents parce que finalement libérés.
DW : Et vous, quelle est votre réaction?
Samuel Ngoua Ngou : Ma réaction est celle d'un Gabonais normal, c'est à dire quelqu'un qui finalement est satisfait de ce qui vient de se passer, qui va certainement donner lieu à un renouvellement non seulement des institutions, mais aussi de la conduite des affaires de la nation.
DW : Comment se fait-il que vous soyez content, vous qui avez été directeur adjoint de cabinet du chef de l'Etat Ali Bongo ?
Samuel Ngoua Ngou : Il n'y a absolument aucune relation entre le fait que j'aie été directeur de cabinet adjoint du chef de l'Etat et d'apprécier ce qui vient de se passer.
DW : Alors, connaissant les arcanes du pouvoir, qu'est-ce qui peut être en train de se passer actuellement selon vous ?
Samuel Ngoua Ngou : En cette matière, lorsqu'il y a un putsch, puisque c'est de ça qu'il s'agit, il est très difficile de faire des perspectives. On ne connaît pas exactement qui sont ces militaires. Personnellement, je n'en connais aucun de ceux qu'on voit à la télévision. Est-ce qu'il y a des gens derrière ? Je n'en sais rien. Donc je ne peux pas vous dire ce qui se passe actuellement. Si je m'en tiens au discours des militaires, parce que les seuls éléments d'appréciation que j'ai à cette heure ci, c'est le discours des militaires. S'ils tiennent parole par rapport aux annonces qui ont été faites, je parie qu'ils vont nommer un gouvernement de transition parce qu'ils ont eux mêmes parlé de transition. Par la suite, naturellement, et je crois que c'est inévitable, j'espère qu'il y aura une nouvelle Constitution qui sera adoptée par référendum ayant pour base la Constitution de 1991.
DW : ... Ayant pour base la Constitution de 1991 ? Pourquoi celle de 1991 ?
Samuel Ngoua Ngou : Parce que c'est la dernière Constitution qui a été adoptée au Gabon par référendum.
DW : Mais elle a été modifiée après !
Samuel Ngoua Ngou : Elle a été modifiée par voie parlementaire. Et comme vous le savez, entre la voie parlementaire et la voie référendaire, la légitimité découle davantage de la voie référendaire que de la voie parlementaire.