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TechniqueGhana

Comment l'IA peut transformer l'éducation en Afrique

Isaac Kaledzi | Carole Assignon
12 novembre 2025

Selon les experts, l'intelligence artificielle pourrait transformer l'apprentissage et créer de nouvelles opportunités pour la jeunesse africaine.

Des éléves devant des ordinateurs.
L'IA pourrait contribuer à améliorer le système éducatif en Afrique. Image : imagebroker/imago images

Dans le quartier de Chorkor à Accra, des jeunes utilisent des ordinateurs pour la première fois. Et certains étudiants ont déjà de grands rêves.

C'est le cas d'Emmanuel Dwamena Tenkorang, étudiant en informatique."J'ai beaucoup appris. J'adore la technologie et tout ce qui s'y rapporte, mais en venant à ces cours, j'ai pu acquérir des connaissances. Cela a été une source d'inspiration " assure-t-il.

L'entrepreneuse sociale américaine Patricia Wilkins fait partie de ceux qui investissent dans l'éducation à l'intelligence artificielle (IA) pour les jeunes défavorisés du Ghana. Son organisation, Basics International, gère le Chorkor Digital Lab, qui enseigne les compétences numériques aux jeunes.

" Nous avons lancé le programme il y a quelques mois seulement, et nous avons déjà accueilli une première promotion d'étudiants. Nous en sommes à notre deuxième promotion, avec près de 100 étudiants répartis dans trois classes. La technologie, c'est l'avenir. C'est là que se trouvent les emplois. C'est là que les gens peuvent travailler à distance".

Une impulsion continentale en faveur de l'IA dans l'éducation

Partout en Afrique, des initiatives similaires prennent de l'ampleur. Le 5 novembre dernier, plus de 1 500 experts en éducation et en technologie se sont réunis à Accra pour la conférence de l'Africa Education Trust Fund sur l'IA et son impact sur l'éducation.

Le thème central : intégrer l'IAdans les systèmes éducatifs afin de favoriser la transformation et d'ouvrir des perspectives aux jeunes en matière d'innovation et de développement durable.

" [Lorsque nous parlons d'IA dans l'éducation], nous nous intéressons aux outils technologiques que nous utilisons pour résoudre des problèmes dans le domaine de l'éducation, ou aux technologies que nous pouvons utiliser dans les systèmes éducatifs pour améliorer l'enseignement et l'apprentissage ", a déclaré Gideon Owusu Agyemang, du Centre d'excellence Ghana-Inde Kofi Annan en matière de TIC.

" Nous disposons désormais de machines de tutorat intelligentes qui aident les étudiants dans leur apprentissage", a ajouté Gideon Owusu Agyemang.

Selon lui "l'IA va également améliorer l'enseignement et l'apprentissage... L'utilisation de l'IA sera prédominante dans tous les environnements éducatifs dont nous disposons".

L'utilisation de l'IA devrait améliorer l'enseignement et l'apprentissage.Image : Chen Cheng/Xinhua/picture alliance

Craintes et opportunités liées à l'IA dans l'éducation africaine

Malgré cet optimisme, certains éducateurs, en particulier dans les universités, restent méfiants quant au potentiel disruptif de l'IA.Le Dr David King, PDG du projet AiAfrica, une ONG qui forme les Africains aux technologies de l'IA, n'est pas d'accord.

"L'idée que les professeurs d'université craignent l'IA, avec tout le respect que je leur dois, est due à l'ignorance. L'IA existe depuis plus d'un siècle maintenant ; elle n'est pas apparue hier", a déclaré David King.

Il a souligné la nécessité d'une formation de masse : "Nous voulons former 11 millions d'Africains aux technologies de l'IA, et nous en avons déjà formé 2,3 millions... Si la Chine utilise l'IA pour stimuler le développement, en particulier en matière d'infrastructures, [pourquoi avons-nous] peur des mêmes outils que les autres utilisent pour développer leur économie ?"

Le Dr Ekwow Spio-Garbrah, fondateur du Ghana Education Trust Fund et ancien ministre ghanéen de l'Éducation, a déclaré à la DW que malgré les nombreux avantages de la technologie et de l'IA, l'Afrique et ses établissements d'enseignement en sont encore à leurs balbutiements et doivent prendre conscience des potentiels et des dangers.

"Je tire la sonnette d'alarme", a déclaré Spio-Garbrah. "Le Ghana doit se réveiller, l'Afrique doit se réveiller, le monde doit se réveiller [car] beaucoup d'entre nous sont endormis".

Selon lui "nous vivons dans un monde nouveau où ceux qui construisent des machines se préparent à contrôler le monde ".

Spio-Garbrah a déclaré que les établissements d'enseignement africains devraient également s'impliquer activement dans la formation et le positionnement du continent afin qu'il puisse également posséder et contrôler ses propres technologies d'IA.

Les Politiques façonnant l'éducation à l'IA en Afrique

Pour répondre aux préoccupations et orienter la mise en œuvre, les experts réclament des politiques claires.

"Nous avons besoin d'une politique sur l'IA dans l'éducation... Si une politique délibérée et spécifique autour de l'IA et de l'éducation est mise en place, elle orientera le débat et nous permettra de passer de la discussion à la concrétisation ", a déclaré Deborah Asmah, PDG de Npontu Technologies, société spécialisée dans l'IA.

Le Ghana a déjà pris des mesures dans ce sens, en élaborant des politiques visant à orienter l'éducation à l'IA et à créer de nouvelles opportunités pour les jeunes.

Pour certains experts l'IA est un catalyseur du développement durable.Image : Isaac Kaledzi/DW

Une IA aux valeurs africaines

Le ministre ghanéen de la Communication, Sam George, souligne pour sa part l'importance d'une IA adaptée à la culture locale : "L'intelligence artificielle est au service de notre peuple, reflète nos valeurs et accélère nos objectifs de développement. Nous sommes ouverts à la collaboration, aux investissements et à l'innovation, mais nous insistons également sur l'équité, l'inclusion et le respect de notre souveraineté numérique".

Le ministre a mis en garde contre la domination extérieure : "les solutions d'IA ne doivent pas être conçues pour l'Afrique par des non-Africains, afin d'éviter une nouvelle colonisation numérique".

L'IA au service du développement durable

Phoebe Koundouri, éminente économiste et scientifique, considère l'IA comme un catalyseur du développement durable : "L'intelligence artificielle recèle un potentiel énorme pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable en permettant une prise de décision fondée sur les données, en optimisant l'utilisation des ressources et en concevant des solutions innovantes..."

Mais elle appelle également à la prudence : "la clé est de garantir une IA responsable et inclusive, guidée par des principes éthiques, des valeurs humaines et un accès équitable".

Les établissements d'enseignement à travers l'Afrique proposent désormais des cours sur l'IA, et les systèmes d'apprentissage évoluent pour intégrer les technologies intelligentes.

Amir Dossal, ancien sous-secrétaire général des Nations unies, estime que l'Afrique est prête à prendre les devants.

Pour lui "dans cette course mondiale, l'Afrique n'est pas un simple spectateur. L'Afrique a le pouvoir de changer la donne en dépassant ces modèles dépassés et peut réécrire les règles de l'IA mondiale".